dimanche 23 août 2015

DIANA - Pièce satirique en 5 actes [Gallinacé Ardent]

DIANA
Pièce satirique en 5 actes

Un rêve glacé [Dr Benway]

<< Après la stupéfiante révélation que l’actuel président était en réalité un robot, le premier ministre Seth Archer a accepté d’assurer l’intérim en attendant la prochaine élection dans 2 ans ; les autorités soupçonnent la première dame d’avoir remplacé son mari, accidentellement décédé, dans le plus grand secret. Plus d’infor… >>

Même les fenêtres closes, il pouvait entendre distinctement la voix stridente et désincarnée du drone informatif qui sillonnait le quartier, mais il n’y prêta aucune attention, ici-bas ce gros frelon mécanique faisait partie du décor, et toute son attention était retenu par les courbes qui ondulaient devant lui.
Elle dansait, juste pour lui, agitait son corps, ses bras, ses mains, au bout desquelles ses ongles écarlates voltigeaient dans l’air comme des flammèches ; elle l’ensorcelait pendant qu’il restait assis sur le vieux sofa usé et abimé, à contempler le spectacle qu’elle offrait, pour lui seul.
C’était le même rituel chaque semaine, après le lycée,  il se rendait dans ce quartier délabré, amoncellement de hautes tours de briques rouges en ruine avec vue sur la zone industrielle ; un immeuble calme et paisible, avec seulement un môme près de l’entrée qui vendait la dernière drogue à la mode dans les quartiers paumés, un stimulant qui permettait de booster ses synapses pour se brancher directement au Flux : mieux que de regarder la télé, on pouvait la vivre, la sentir couler directement à l’intérieur de vos neurones.
Il grimpait les marches le long de couloirs sombres et sans lumières, direction le sixième étage, un studio exigu à l’odeur d’encens.
C’est dans cet alcôve presque coupé du monde que la transe commençait, elle se déshabillait, gardant ses sous-vêtement sombre sur sa peau pâle, puis elle faisait danser ses membres devant lui, elle l’hypnotisait, le fascinait, il suivait le moindre de ses mouvements…
Elle avait toujours voulu être danseuse, lui avait-elle dit une fois, mais elle n’avait jamais réussi, ils n’avaient jamais voulu d’elle ; elle avait essayé, dans des bars, des cabarets, parfois trop sordide pour elle, mais à chaque tentative, ils lui avaient fait comprendre que ce ne serait pas possible, plus ou moins poliment, plus ou moins violemment. Elle portait encore un bleu sur l’aine, preuve de son dernier essai.
Aujourd’hui, c’était trop tard, à 48 ans elle était trop vieille pour ce genre d’aventure, pour ce genre de rêve… alors il lui avait dit qu’il aimerait la voir, la voir danser, juste pour lui, il serait son public, lui s’en fichait de son âge…et du reste.
Alors elle a commencé.

Forever Sands [Nosfé]



Sables Éternels

(Forever Sands)
by
Avery Fletcher

traduction par Nosfé Reverso.

Il n'y eut d'abord qu'une bourrasque, puis le vent se leva complètement. Et le bleu du ciel le céda à des teintes de safran, avant de disparaître et de se confondre avec les dunes.
Pris dans la tempête de sables, la caravane avançait, à l'aveugle. Les chameaux marchaient, imperturbables, de leur allure hautaine et nonchalante. Les hommes à leurs côtés évoluaient avec difficultés, les visages enfouis sous d'épaisses couches de tissus.
Le temps s'égrenait. La tempête ne s'apaisait pas et, pas après pas, bêtes et caravaniers s'éloignèrent sensiblement de ce qui était leur piste, cette route que normalement, ils suivaient d'instinct.
Le chameau de tête blatéra soudain, et stoppa. A sa suite, les autres l'imitèrent. Un homme se porta à sa hauteur et, parmi les suages de poussière orangés, comprit.
Il sentit le sable se dérober sous ses pieds, céder sous lui, et l'avaler bientôt jusqu'au genou. Le camélidé laissait échapper de nouveaux cris, rauques et pitoyables. Ses pattes avait déjà disparues sous la surface. L'homme appela ses compagnons, prit l'animal à la brides, tenta de l'amener à un sol plus ferme. Mais ceux-ci, comme les autres animaux derrière, s'enfonçaient également, pris dans le même piège.
Il poussa un cri. Une sensation glacée contre son mollet. Il lâcha l'animal qui, se débattant de plus belle, avait maintenant du sable jusqu'à garrot, et il enfonça ses bras dans la pâte mouvante qui l'engloutissait lentement.
La sensation de froid fut plus prégnante encore, et quand il ressortit ses mains, celles-ci étaient couverte d'une boue brune. De la vase, le limon d'un fleuve tout proche, peut-être même là, juste à côté, perdu derrière l'uniforme rideau jaune soulevé par la tempête. Et soudain, une sensation de piqûre, comme un aiguillon de feu parmi la viscosité glacée. Puis une autre, puis des dizaines, sur tout son corps, et des fourmillements, partout, leur succédant.
L'homme était maintenant enfoui jusqu'à la poitrine, tenant dans sa main une corde qui allait se perdre dans le sol. Il entendait les cris de ses compagnons, derrière, sans doute à se battre eux aussi avec ses sables mouvants, les râles des animaux, sentant le danger, mais déjà empêtrer dedans, et incapable de s'en dégager. Le froid de la vase prit le pas sur la chaleur du désert sur sa tête. L'homme dégagea sa bouche, sa poitrine oppressée. Il pris une dernière inspiration, une goulée d'air chaud, chargé de ce sable fin, grains minuscules et intrusifs, et se laissa avaler par le sol.

lundi 17 août 2015

The Zero Game [Diane]

THE ZERO GAME

CIRCUS RAMPAGE

Sur la vidéo de surveillance, Numéro 1, dont le visage était impossible à reconnaître, affichait très clairement son intérêt pour les singes qu’il venait d’abattre froidement sous le chapiteau. Son silencieux à la main, il se penchait sur le premier corps, le dépouillait d’un objet particulier. Et recommençait avec le second. Un par un ils étaient tombés, tétanisés devant son entrée impromptue, théâtrale. Et de belles giclées de sang, jaillissant des corps comme des jets d’eau puissants, arrosèrent le sol où se produisaient les représentations. Ils se sont écroulés comme des marionnettes aux fils violemment sectionnés, avec de la terreur dans leurs grands yeux exorbités, et une brûlure à l’endroit où les balles les avaient traversés. Seulement après avoir regardé sur son portable, Numéro 1 a fait le tour des corps encore chaud, et leur a ôté à chacun leur masque de singe, pour trouver Numéro 16, qui était le troisième abattu, le troisième malchanceux à être tombé, la gorge et la carotide ouverte, laissant le sang se faufiler comme une rivière folle dans son œsophage et sa trachée, remplir ses poumons, ne permettant plus à son cerveau d’être suffisamment irrigué par la même occasion. Numéro 1 fût contraint de lui enlever tout son déguisement de macaque. A l’aide d’une lame qu’il gardait sur lui et qu’il replia rapidement pour la remettre dans la poche intérieure de sa veste. Il trouva un revolver d’un petit calibre dans les sous-vêtements de 16. A force de mener la belle vie, il s’était laissé aller pensa Numéro 1 en souriant. Il trouva le tatouage de sa victime à l’intérieur de sa cuisse droite. Un numéro 16 très petit mais néanmoins bien visible à l’œil nu.
- Et alors vous me dites que vous êtes ? Numéro combien ?
- Je vous l’ai déjà dit Inspecteur G, je suis 42. Regardez bien mon poignet.
            42 montra son poignet droit à l’Inspecteur G, et regarda encore une fois l’écran, le poignet levé, le poing fermé, le coude posé sur la table. Son tatouage, 42 l’avait choisi à cet endroit. Dans des sachets plastiques mis sous scellés, disposés sur la table, les masques de singe portaient encore leurs traces de sang. Mais il avait coagulé, noirci, il était marron foncé. Il n’était plus visuellement aussi choquant que du sang frais sortant d’une blessure. Parfois, le sang sortait très foncé alors que la victime – le numéro – était encore vivante. Cela dépendait des corps, de la biologie de l’individu, de sa santé générale, estimait 42, qui n’était pas médecin.
            - Je ne suis pas médecin, je ne peux pas vous dire. 42 apprécia son reflet dans le moniteur d’un certain âge, lorsque l’image disparut. Il ressemblait à un clochard, sans attaches sociales particulières visibles dans son apparence. Il frémit en pensant à Numéro 1 abattant ces quatre individus dans le cirque. Son intention pure, celle d’un prédateur sur sa proie. Un sang-froid authentiquement démoniaque.
            - Soit répondit Louis, le second Inspecteur, plus jeune, français, brun et élancé, avec cette fraîcheur et cette blancheur de peau un peu ridicules. Vous n’êtes pas grand-chose à part un vagabond, c’est exact ? Il feuilletait un dossier, debout, le dos contre le mur, les manches de sa chemise retroussées, d’un air semi-investi, semi-attentif aux paroles de 42. Son arme de service accrochée à sa ceinture, arme que convoitait énormément 42, sachant qu’il n’était pas simplement menotté, mais également rattaché à la table fixée au sol par une chaine comme cela se faisait dans cette juridiction. Et maintenant qu’il avait vu le massacre du cirque, cela le préoccupait beaucoup.

Les atrocités des projections privées [Corvis]

Je bande.
Renflement ponctuel et rigidité matinale.

Après des années de misère sexuelle, de disette sentimentale et d’impuissance perpétuelle, il aura fallu ma chute et mon cœur révélé, pour que des profondeurs de mon inconscient sordide émergent de solides érections à la vue du poster central de Playboy sur le mur de ma cellule.
Ou tout simplement en pensant à Alice.

Quand, dans un recoin sombre de mon cachot, sur une paillasse humide et poisseuse des orgasmes de mes prédécesseurs, je pleure d’être un monstre en tâchant de ne pas réveiller mon colocataire, c’est le visage d’Alice qui calme mon angoisse.
Mais je garde les yeux bien ouverts.
Quand je les ferme, ce sont les autres que je vois. Les débauchées sordides au ventre goulu, les droguées soumises qui s’ouvraient avec joie ou résignation.
Et les victimes de ma chair avide.
Les femmes hurlantes et suppliantes, maculées du sang de leurs orifices, dont je forçais la serrure avec entrain. Les filles contraintes et battues, jusqu’au point de non retour, jusqu’à ce soir d’été, jusqu’à cette mère et sa fillette, jusqu’à la torture et la mort, par un Fred que j’aurais supplié d’être un étranger.