mercredi 24 septembre 2014

L'interdit [Yoann]

            Prologue


« On l’a fait avec Georges avant de venir, et uniquement parce que le Quota l’exigeait. Bon, aussi parce qu’on s’est fait sanctionner à la période précédente parce qu’on ne l’avait pas fait assez. On est sur le radar du Ministère, du coup faut donner bonne impression. Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas du tout. Ça a été super rapide et chiant au possible, j’ai absolument rien ressenti. Aucune sensation, rien de chez rien. La meilleure baise de toute ma vie. »

L’an 2534, sur Terre.

La planète bleue n’est plus qu’un vague souvenir d’images d’archives poussiéreuses ou de peintures d’artistes rétro. Acier, béton et pollution, tel est le nouveau visage de la planète. D’immenses mégalopoles recouvrent plus de 90% de la surface, le reste étant dédié aux immenses glaciers artificiels des pôles, servant à l’approvisionnement en eau des populations.

Les montagnes, vallées et plateaux ont disparu, remplacés par d’immenses forêts de gratte-ciels, de flèches d’habitations et de cheminées d’usines. Cette nouvelle Terre scintille de l’éclat du métal la journée et est éclairée de mille et une lumières artificielles la nuit. L’Homme est devenu une entité ne dormant jamais vraiment, le calme, le silence et le repos devenant des concepts très relatifs dans cette réalité.

L’origine de ce désastre écologique prend racine au cours des XXème et XXIème siècles, lorsque les mœurs de la société ont commencé à se libérer. Quel rapport entre le deux me direz-vous ? La réponse se trouve dans ces quatre mots : sexe, drogues, alcools, médicaments. Toujours plus, toujours plus fort, toujours plus loin.

Anarchie. Voilà ce qu’était devenue l’Humanité moderne, des milliards de personnes trop gangrenées par la maladie, trop stone ou en manque pour s’inquiéter de choses aussi triviales que la nourriture, l’écologie ou la santé. L’Homme de cette époque était accro à tout ce qui pouvait modifier ou faire plaisir à son corps, tout ce qui le ravageait en fait. Mais le pire des vices de cette époque était le sexe. Coucher tout le temps, avec tout le monde et sous l’influence de toutes les substances existantes, voilà ce qui était la priorité numéro un en ce temps. Favorisant ainsi la transmission des maladies.

SIDA, SIDC (Syndrome d’ImmunoDéficience Contagieuse), Rift Tueur, Néo-Ebola, Rage Z, Cancers Sauteurs… sans compter les innombrables souches bactériennes devenues résistantes aux antibiotiques. Autant de pandémies ayant ravagé l’Humanité, détruit l’économie et fait s’effondrer les gouvernements. Une Apocalypse en approche, tout sauf glorieuse.

Jusqu’à ce que les Adeptes de la Pensée Pure de Dieu sortent de l’ombre. Parias depuis plusieurs décennies, prônant une vie ascétique, dépourvue de tentations, de péchés, de vices, ils se nommaient eux-mêmes la Haute Humanité. Ils valorisaient le travail, la famille et l’évolution vers un monde meilleur. Peu à peu, alors que la Grande Anarchie s’étendait à toute la planète, leurs rangs avaient grossi et ils avaient patienté. Patienté jusqu’à ce que l’Homo Sapiens Sapiens soit prêt à être renversé de sa position dominante.
Ils étaient alors sortis de leurs retraites et cueillirent sans effort cette Terre agonisante et rongée de tout part, balayant les pitoyables défenses érigées par l’Homo Drogus, réduisant en esclavage ceux qui étaient autrefois leurs frères de race. Ils éliminèrent les faibles, les vieux, les inutiles et ceux trop ravagés pour être d’une quelconque utilité. Purification, certains appelèrent cela, optimisation de la production selon d’autres.