lundi 11 août 2014

Les Pornographiens [Herr Mad Doktor]

Dès qu’il vit débarquer les trois lolitas dans sa boutique, l’épicier sentit qu’il allait au-devant de problèmes. L’une portait un micro-short bleu bébé, l’autre une mini-jupe rose bonbon, la dernière un jean troué d’où dépassait la ficelle d’un string vert ; toutes étaient maquillées comme des boules disco ; aucune n’avait jugé utile d’enfiler un soutien-gorge.
Par-devers lui, le commerçant nomma ses clientes “Mesdemoiselles Bleu, Rose & Vert”. Il leur donnait une vingtaine d’années, mais il se doutait que leur accoutrement égarait son jugement.  
Roulant des yeux autant que des fesses, le trio papillonna un long moment dans le magasin sans but apparent, prenant des articles au hasard et les examinant avec désinvolture, avant de les reposer deux étagères plus loin. Seul le rayon “soins du corps” retint durablement leur attention ; en particulier les préservatifs et les gels intimes, qu’elles se passèrent de main en main d’un air expert.
Soudain les gestes se firent vifs. L’épicier n’entendait pas la conversation, mais il comprit que Vert avait mis Rose au défi de faire quelque chose. Une bêtise à n’en pas douter. La réponse ne tarda pas : aidée par une courte échelle de Bleu, Rose attrapa un objet sur la plus haute étagère du rayon (pas l’ombre d’une culotte sous la mini-jupe...), puis sauta à terre en brandissant son trophée : un godemichet pourpre de taille XXL, se balançant mollement sur son socle, comme une quenelle de gélatine. Le marchand identifia le modèle “Cthulhu”, une pièce rare et chère moulée à même l’organe d’une star du cinéma, très prisée des connaisseurs.   
Vert reconnut sa défaite d’un haussement d’épaules, mais Rose refusa d’en rester là : le gode plaqué sur son front, elle fit mine de charger la vaincue. “La liporne va exercer sa vengeaaaaance ! cria-t-elle. Mort à la cellulite !” Vert lui tendit sa croupe de bonne guerre (à travers les trous du jean, le commerçant eut bien du mal à distinguer la moindre trace de cellulite) et se laissa culbuter à plusieurs reprises, ponctuant chaque impact d’un pet aigu, tandis que Bleu, hilare, battait des mains.
Suant sur son séant, l’épicier s’efforçait de se concentrer sur sa comptabilité, mais son regard déviait sans cesse vers la parodie de corrida...
Des hurlements retentirent. D’un coup de dents agile, Vert venait d’arracher le gode du front de Rose, sur le dos de laquelle avait grimpé une Bleu d’humeur bagarreuse. La cavalière et sa monture écornée plongèrent illico sur la voleuse, et les trois nymphettes roulèrent à terre en gloussant. A quatre pattes, elles se disputèrent le sextoy comme des chiennes un bout de viande, qui griffant, qui pinçant, qui mordant, sans cesser de japper et de rire bêtement. Dans la bataille, le jean de Vert fut déchiré de part en part, aussi décida-t-elle de s’en délester ; à bien y regarder, son string était plus jaune pâle que véritablement vert, mais l’épicier ne corrigea pas le surnom de la demoiselle pour si peu. Vert lui allait si bien au teint...
Bien que le pugilat mît un désordre monstre dans ses rayons si soigneusement agencés, le pauvre homme n’osa pas intervenir, tétanisé qu’il était derrière son comptoir. Ces dernières années, la délinquance avait pris des proportions inquiétantes dans le quartier… Nombre de ses collègues en avaient fait les frais et en conservaient un profond traumatisme. Certains avaient même définitivement fermé boutique, impuissants.

A son grand étonnement, le marchand constata tout à coup que les bruits de lutte avaient cessé ; seule jouait l’habituelle musique d’ascenseur de son épicerie. Les Miss s’étaient lassées. La peau luisante de sueur, leurs hauts humides épousant leurs formes girondes, elles avaient abandonné le gode dans un bac à carottes et étaient allées chercher le frais au rayon crémerie.
“Ohlalala, je suis tou-te-mouil-lée ! se désola Rose, secouant son top comme une serviette de plage pleine de sable.
- Moi je meuuuurs de chauuuud !” gémit une Vert rouge tomate, les fesses posées sur un étale de camemberts bio.
Bleu, quant à elle, se descendait une bouteille de yaourt liquide avec force glougloutements.
“Tu t’en es mis de partout, cochonne !” se moqua Rose, les seins à l’air ; faute de pouvoir le faire sécher, elle avait fini par enlever son haut puis l’avait roulé en boule.
“Attends ma chérie, on va te nettoyer…” proposa Vert. Quittant son trône fromager, elle entraîna son amie topless par la main, et toutes deux lapèrent avec une féline délicatesse la peau souillée de Bleu, tout d’abord le pourtour de ses lèvres, puis son menton, puis son cou, puis sa poitrine, et enfin son…
“Abricot ! reconnut Rose. Mon goût préféré !”
- Vous me faites des guili ! rigola la léchouillée.”
L’épicier se cramponna à son tiroir-caisse.
“J’ai le cul qui gèle ! grimaça Vert au bout d’un moment. Dans ce genre de rayon ils peuvent pas s’empêcher de trop baisser la température…”
TCHLAK !
Sans se concerter, ses acolytes lui avaient claqué l’arrière-train  : “Ca t’réchauffe la couenne, ma grosse ?
- Bande de frigides barjots… chouina Vert.
- Soigne-toi avec ça ! lui conseilla Bleu, avant de lui étaler son reste de yaourt liquide sur l’endroit meurtri.
- C’est vrai que ça fait du bien, reconnut Vert.
- Ça me rappelle une blague sur du beurre, de l’argent, et le cul d’une crémière, mais je me rappelle plus trop de l’ordre… réfléchit Rose à voix haute, un index sur les lèvres.
- Le beurre, ça doit être pour le cul de la crémière, supposa Vert. On dit bien que l’argent ça coûte la peau des fesses, alors autant se beurrer la raie avec, non ?  
- Moi je croyais que le beurre c’était pour faire un flan.
- Ah bon ? Ma mère elle utilise plutôt des oeufs...
- T’es sûre que c’est pas ton père qui utilise ses oeufs sur ta mère ?
- Beurk, dans tous les cas, oeufs ou beurre, si le flan sort du cul de la crémière moi j’en mangerais pas.
- Et la crème, on en fait quoi de la crème dans l’histoire ?
- Je sais pas. Une tarte, peut-être.
- C’est toi la tarte !
- Et toi le flan !
- Tarte au flan !
- Cul de nonne !
- C’est toi la nonne !
- On va être en retard pour le cours d’éducation physique ! s’alarma Bleu. Mme Blanchard va encore nous filer des heures de pole. Et je sais pas vous, mais moi cette putain de barre me donne le tournis... En route mauvaise croupe ! On paie et on se casse.”
Et d’un pas nonchalant le trio chaloupa vers la caisse.

*

A leur approche, l’épicier se raidit. Il sentait venir le mauvais coup, mais s’efforça de ne rien laisser paraître ; à la sauvagerie, il fallait opposer calme et professionnalisme.
“Bonjour Mesdemoiselles.
- Salut Papy !”
Vert jeta le flacon de yaourt liquide sur le tapis roulant, et en dépit de son agitation intérieure le commerçant le scanna d’un air stoïque. Le total s’afficha sur l’écran digital : 3 éros.
“Dis-donc tu t’emmerdes pas Pépère ! lâcha Bleu. 3 éros pour une pauv’ bouteille, vide qui plus est, mazette…
- Je ne suis qu’un petit revendeur, Mesdemoiselles, comprenez-bien que je ne peux m’aligner sur les tarifs de la grande distribution...
- Tu palpes toi, hein, tu palpes ? ironisa Rose, ses seins blancs pareils à deux lunes grasses se balançant sous le nez du caissier.
- Pas tant que ça, je vous assure. Ma marge est des plus modestes...
- J’espère au moins que tu prends la C.B., coco ? demanda Vert, les lèvres en canard.
- Seulement à partir de 50 éros. La Caresse Buccale est réservée aux grosses sommes.”
Les clientes eurent l’air déçues. Surtout Rose, qui aimait beaucoup faire chauffer sa C.B. lors du shopping...
“Dans ce cas on va régler en M&M”, dit Bleu, tout sourire. Elle cracha dans ses paumes et fit craquer ses phalanges. Les Massages Manuels étaient sa spécialité.
“Ca te va si on te file 1 éros chacune ? s’enquit Vert, peu douée de ses dix doigts.
- Pas de souci. La maison accepte le paiement en 3 fois sans frais.”
Comme Bleu approchait sa main du tiroir-caisse, l’épicier arrêta son geste. S’il voulait se sortir sans encombre de cette situation périlleuse, c’était le moment ou jamais de moucher les trois pimbêches : “Simple formalité Mesdemoiselles, dit-il, mais pourrais-je au préalable voir vos papiers d’identité ?
- De quoi tu t’occupes, Papy ? s’emporta Rose. Tu vois pas qu’on a de quoi payer ?”   
Elle empoigna ses seins et les secoua avec vigueur.
“Je n’en doute pas. Vous êtes des jeunes filles aisées débordant d’éros, ça saute aux yeux... Mais la loi, c’est la loi. Je n’ai pas envie de perdre mon boulot. Et encore moins mon outil de travail...”
Il montra une affichette du Ministère de la Justice Pornographienne, épinglée au mur derrière lui : “Toute transaction financière entre un(e) adulte et un(e) mineur(e) est strictement interdite.”  Et en petits caractères : “Tout(e) commerçant(e) contrevenant(e) s’expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 5 ans d’abstention totale et une castration chimique voire physique.
Vert éclata de rire : “Roooh, décoince-toi un peu, Sugar Daddy…  Pourquoi dramatiser pour trois fois rien ? Prends nos éros vite fait bien fait, et n’en parlons plus. On n’ira pas cafter, juré craché, pfffrt ! (le molard atterrit sur la poitrine de Rose) On te promet même un sacré bonus en prime… Ton yaourt, on va te le payer au centuple ! (œillades et bouche en coeur :) Allez s’te plaîîîîît mon chou, fais un effort... Ton p’tit Terminal de Paiement a l’air prêt à nous encaisser, lui !”
L’épicier, qui comme de coutume avait sa Bourse à portée de main, ne pouvait cacher sa soif d’éros. Depuis trente ans qu’il tenait boutique, il était abonné aux transactions modestes, pour ne pas dire ridicules, et voilà que trois bourgeoises pleines aux ass lui proposaient un joli magot, pour le simple plaisir de lui en mettre plein la vue ! Il y avait de quoi être tenté… Sa droiture morale (et surtout la peur de la castration) prirent néanmoins le dessus :
“Désolé Mesdemoiselles, je ne sers pas les pucelles. Question de principe.
- Pucelles ?!” s’offusquèrent les Miss d’une voix à fendre le cristal.
De rage, Bleu verdit, Rose bleuit, et Vert eut le rose qui lui montait aux joues.
“Cela dit ne vous inquiétez pas pour la bouteille, je vous en fais cadeau. Retournez en classe et n’en parlons plus.
- Pucelles !” grincèrent à nouveau les clientes.
Vert fut la première à bondir par-dessus le comptoir. Vrillant sur elle-même, elle enroula ses cuisses autour du visage de l’épicier, qu’elle bâillonna de son string, sans même avoir besoin de l’ôter. L’homme bascula en arrière et s’affala sur le matelas où se déroulaient d’ordinaire les règlements. Goût abricot, releva-t-il. Mais je me demande si ce yaourt n’était pas périmé…
“La Bourse ou la vie ?” lui hurla Bleu dans les oreilles. Depuis sa plus tendre enfance, son père lui répétait que les gens n’avaient votre attention que lorsque vous touchiez à leur porte-monnaie… Aussi broyait-elle d’une main de fer celui, bien garni, de l’épicier.
“RrrrMMMmmlllll ! grogna ce dernier.
- Si tu te débats, l’avertit Rose, actionnant dans le vide le sécateur qu’elle venait d’aller chercher au rayon bricolage, j’te rends définitivement inapte à ton poste. Ok ?”
Le regard terrifié du commerçant tint lieu de consentement.
Les différents partenaires ayant trouvé un terrain d’entente, la transaction pouvait débuter.
*

Durant un stress intense, il arrive que l’esprit s’évade… Alors que son corps était le jouet de trois diablesses en furie, l’épicier se réfugia mentalement en un endroit où nul ne pouvait l’atteindre. Il se trouvait dans la chambre de sa grand-mère maternelle, au pied de l’armoire où elle cachait ses trésors : une boîte rouillée, remplie de pièces de monnaie. Elle-même les tenait de sa propre grand-mère, ferraille obsolète, quincaillerie sans valeur témoignant d’une époque révolue, d’avant le passage à l’Éros. Au moyen d’un chiffon imbibé d’alcool, l’aïeule frottait ses pièces du matin au soir, elle s’acharnait à les faire briller, à leur rendre leur splendeur passée, et lui, son petit-fils, les admirait infiniment. Une fois nettoyées, propres comme des sous neufs, les cercles de métal révélaient des chiffres, des lettres, des monuments, des scènes de vie quotidienne... Outre leur valeur pécuniaire, ils racontaient une histoire. Et, joyau parmi les joyaux, s’y dessinait parfois le profil de nobles gens, hommes ou femmes célèbres, présidents, philosophes, artistes, généraux… Des visages. L’argent d’autrefois avait un visage ! L’argent d’aujourd’hui avait aussi un visage, bien sûr, et même plus que jamais, mais il ne brillait pas autant. Et la plupart du temps, il n’avait aucune histoire intéressante à raconter.

L’opération financière dura des heures. Du moins c’est ce qu’il sembla à l’épicier, qui ne devait se souvenir de son agression que sous formes de flashs cauchemardesques...  
Une pluie d’éros, comme il n’avait jamais osé en rêver…
Rose la voluptueuse, lui lustrant le Louis d’Or avec une application digne de sa grand-mère numismate...
Bleu, si habile de ses mains, fouillant son fond de caisse ainsi que son double-fond, réservé à l’argent sale...
Lui-même, au bord de l’asphyxie, le nez plongé dans le portefeuille bien garni de Vert, s’étouffant devant de si abondantes liquidités…
Le murmure d’une voix féminine : “La vengeance de la liporne restera dans tes anales, clampin !’”
Le gode “Cthullhu”, Tour de Babel colossale agitée par une Bleu extatique…
Un carrousel de chair et de couleurs...
… Rose / Vert / Bleu / Rose / Vert / Bleu / Rose...
De vaines supplications, “Laissez-moi souffler !”, des visages brouillés...
… Rose / Vert / Bleu / Rose / Vert / Bleu / Rose...
“Qui est qui ? Je ne vous distingue plus !”  
… Rose / Vert / Bleu / Rose / Vert / Bleu / Rose...
“Tu peux garder la monnaie, Coco.”
… Rose / Vert / Bleu / Rose / Vert / Bleu / Rose...
Des retraits de liquide sous la menace…
“Gourgandines ! Siphonneuses ! Vampires !”
Des levées de fonds records…
“Mon épargne ! Ma précieuse épargne !”
Des dépôts considérables…
Sur le compte personnel de chaque Miss...
Jusqu’au solde,
jusqu’à se retrouver
complètement,
totalement,
à sec.

Lorsque le vendeur recouvra ses esprits, les filles étaient déjà loin. Elles n’avaient pas pris la peine d’emporter la bouteille de yaourt, ni même le godemichet, coupé en deux et désormais invendable. L’homme se sentait sali. Certes, les délinquantes juvéniles l’avaient arrosé de plus d’éros qu’il n’aurait pu en gagner en cent ans de travail, mais elles l’avaient dans le même temps dépouillé de ses propres deniers. Or comment servir ses client(e)s les caisses vides ? Il ne lui restait plus qu’à tirer le rideau pour la journée… Voire pour toujours. L’épicier songeait depuis longtemps déjà à se reconvertir, et peut-être était-ce là un signe que le moment était venu. Après tant d’années, il était fatigué de toujours travailler à flux tendu, et désormais il ne se voyait pas poursuivre son activité la peur au ventre, dans l’attente d’un nouveau vol à la tire… Bleu, Rose & Vert l’avaient délesté d’un bien plus précieux encore que ses éros : sa dignité.
Mais peut-être existait-il un moyen de la retrouver...
Bon sang, pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ? La boutique étaient dotée d’un système de vidéo-surveillance ! L’analyse des images permettrait sans doute d’identifier les coupables...
Le coeur battant la chamade, le commerçant rembobina la cassette puis fit défiler la bande en accéléré… Ouverture de la boutique, livraison de la marchandise, arrivée des premiers clients… Soudain il tressaillit ! Le micro-short Bleu, la mini-jupe Rose et le string Vert se dandinaient entre ses rayons… Venait ensuite l’épisode de la liporne, puis celui du rayon crémerie, et enfin le passage à la caisse… Encore sous le choc, l’homme ne put soutenir le spectacle de sa propre agression et se contenta de visionner les images des caméras secondaires, qui surveillaient les rayons. Il eut alors un deuxième choc : plusieurs clients s’étaient présentés dans la boutique alors même que les filles commettaient leur forfait ! Et aucun n’avait bronché… La plupart, à leur décharge, n’avaient semble-t-il pas compris qu’un drame se jouait, prenant sans doute les trois Miss pour d’honnêtes consommatrices venues régler une grosse commande ; devant une telle queue à la caisse, ils avaient logiquement préféré aller faire leurs courses dans un hypermarché, où les attendaient une armada de caissières prêtes à leur vider tout de suite la besace. C’était compréhensible, on ne pouvait pas le leur reprocher. En revanche, il sautait aux yeux que d’autres clients avaient parfaitement cerné la situation. Toutefois ces lâches avaient détourné le regard (et les talons), de peur d’être à leur tour victime des femmes fatales.
Le marchand eut plus que jamais envie de mettre la clé sous la porte. Sa clientèle ne le méritait pas. Tant donner de sa personne pour au final se faire trahir par ces ingrats… Quelle cruelle désillusion !
La bande arriva à sa fin. Les braqueuses avaient bel et bien été filmées sous tous les angles, non sans y prendre un plaisir manifeste (pour preuve leurs clins d’oeil enjôleurs et autres moues sensuelles à la caméra) ; il ne serait pas difficile de les retrouver. Bien qu’il tînt là la preuve qu’il recherchait, l’épicier effaça l’enregistrement sur le champ.
Un souvenir de son calvaire avait refait surface… Brodée à l’intérieur du string de Vert, une étiquette mentionnait : “Propriété de M.M.F, Collège Traci Lords”.
Ses tortionnaires n’étaient autre que des jeunes filles de bonne famille, issues de la haute société pornographienne ! Toute résistance s’avérait donc inutile... Comment lutter contre l’influence tentaculaire de notables au bras long ? Les coupables étaient certainement impliquées dans les autres affaires d’agression qui avaient secoué le quartier. Se sachant intouchables, elles s’adonnaient au crime au gré de leurs envies, pour le seul plaisir de nuire et d’écraser les faibles. Ces richardes de treize, quatorze ans à tout casser, vous pissaient leur fric à la figure, jubilant de vous faire sentir minuscules, insignifiants... Impuissants.
Tout ce que le commerçant avait à gagner à ébruiter son histoire, c’était une nouvelle humiliation, voire une diffamation publique. Car s'il déposait plainte, qui donc le croirait ? On retournerait l'accusation contre lui (il imaginait déjà les trois pestes au tribunal, oies blanches jurant que l’ignoble épicier leur avait forcé la main...), et on le condamnerait pour détournement de fonds. Et de mineures. Et alors s’abattrait la hache du bourreau sur son bien le plus précieux...

Brisé, l’homme rentra chez lui la queue entre les jambes. Dès le lendemain il irait pointer à Popôle Emploi et demanderait un stage de réinsertion professionnelle… Dans le domaine, pourquoi pas, de la numismatique ancienne ? Là, il connaîtrait enfin la tranquillité à laquelle il aspirait... Les monnaies désuètes au si noble profil lui tintinnabuleraient à l’oreille leurs histoires surannées, et de ses yeux il boirait leurs reflets d’or et d’argent… Certes, ses revenus connaîtraient une diminution drastique, mais il saurait s’en contenter. Car il n’aurait plus à craindre une nouvelle agression d’adolescentes en chaleur. À choisir, mieux valait vivre heureux que couvert d’éros...


 

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