I
Un
méat qui n’en peut mais
« Chériiie, me voiciii »
Et je bondis sur le lit.
Je suis tout nu. J’ai une grande cape noire. Mais mon
zizi est flapi. Comme d’habitude. Il a subi des années de sexe mal fait ou bâclé,
de pénétrations faiblardes, avortées, de recroquevillement instantané dans la
coquille. Mon pénis avait connu d’interminables et humiliantes séances d’humidification
du gland, de caressage des bourses, d’asticotage à blanc, de secouage frénétique,
d’étirements, de chiquenaudes, d’enserrements, de massage aux huiles ayurvédiques,
de cataplasmes chauds, de grattouillage au crin, de trempage dans de la cire
molle de l’Himalaya, d’incantations flûtées des Druides de Brocéliande, de pompage
à vélo, de thérapie vibrogalvanique, de psalmodies envoûtantes des Andes, de
piqûres intradermiques à la cocaïne pure, de tirelipimpon sur le chihuahua, d’acupuncture
néo-taoïste, puis finalement d’imprécations, de jurons, de supplications. Lève-toi. Lève-toi, flemmard.
Mon grand défaut. J’aime ma femme de tout mon coeur...
mais pas de mon sexe. On a dû me greffer la main d’un mort dans l’aine, au lieu
de l’ensemble trois-pièces commun aux autres mâles (tige souple et revêche,
deux bulbes soyeux, chevelus). Je bandais mal, ou pas. J’avais épuisé l’éventail
des différents traitements possibles et imaginaires. S’il existait un tourisme
sexuel, narcotique, dentaire, ... il y en avait un qui manquait encore, que je
me vantait d’ailleurs d’avoir inventé à moi tout seul : le tourisme priapique. Rites shamans de
Sibérie, initiations tantriques sur les pentes du Ladakh, approches de la
fornication olmèque, exercices de makoumba clastique en Tanzanie, découverte
des vertus aphrodisiaques de la graisse de phoque infusée dans l’urine de
chien-loup inuit, ingestion de poudre de tigre chez un apothicaire de
Chengdu... Tout cela, nous l’avions tenté. Je dis « nous », car ma
femme, Régine, me suivait partout dans mes pérégrinations. Et, pendant que je
macérais tout seul dans des bains d’herbes odorantes ou que je me suspendais par
les pieds, tête à l’envers, aux branches des palétuviers de la savane, ma femme
restait au campement, à tricoter des
pulls. Mon traitement terminé, et la verge peu ou prou dressée, je me précipitais
sur elle, en gloussant d’anticipation. Hélas ! L’afflux sanguin dans le
corps caverneux n’avait qu’un temps, et le zoziau retombait bien vite, navré. Échec,
encore. Encore et toujours. Ivre de vengeance, je quittais le camp et repartais
dans l’autre sens pour botter le cul des shamans / initiateurs / sensei /
dadouque d’Éleusis auprès desquels j’avais
subi mon entraînement d’acquisition de vigueur sexuelle... Pour rien. Je peux
dire que j’ai eu largement plus de tatanage de fessier d’anarqueur mystique que
de copulations réussies. En fin de compte, toute ma fortune a été sucée dans
des papouillages et trucages sexuels et exotiques. Je n’ai jamais renoncé,
toutefois.
Mais Régine, lassée, a cessé de me regarder.
Aujourd’hui,
j’ai mis comme d’habitude ma cape noire, celle qui sur la peau m’a porté
bonheur la demie-douzaine de fois où j’ai pu faire l’amour normalement, sans défaillance.
Pour m’encourager, je m’en drape, par pure superstition. Ma femme s’est désintéressée
de tout mes stratagèmes. Allongée nue sur le lit, elle me tourne le dos. Elle
tricote. Elle tricote son millième pull. Pour fêter mon (futur) millième echec.
Alors, acculé dans le dernier recoin de plinthe du désespoir,
j’empoigne la fiole pleine d’un liquide couleur céladon. L’ultime remède. Celui qui tord l’espace et le temps. Le médicament
secret.
Buffalo
Magnus.