Is that the meat, you
wanted to eat,
How would you ever
know?
Hash browns an' bacon
strips,
I love the way that
you lick your lips,
No fooling, I can see
you drooling,
Feel the hunger grow.
Eat The Rich – Mötorhead
Les lumières s'éteignent. Seul au
milieu d'une foule de barbares harnachés de noir, Sorel écoute les hurlements
sauvages qui naissent tout autour de lui. Le
sol est rendu collant par les libations alcoolisées. Les vapeurs d'alcool, de
tabac froid et de sueur s'engouffrent dans ses narines. Un mélange d'excitation
et d'appréhension fait vibrer ses entrailles. L'attente plane dans tous les
esprits et chaque regard est braqué sur la scène plongée dans l'obscurité et
dans le brouillard artificiel. Entre deux nébulosités, on y distingue des
silhouettes plus denses qui s'affairent. La salle retient son souffle.
Quelques-uns sifflent. L'audience piaffe d'impatience.
Et d'un
coup, les spots se rallument et projettent une lumière crue sur
l'estrade. Cris. Applaudissements. Trois hommes font face à leur auditoire. Le
groupe savoure son entrée. Les techniciens branchent les amplis. Larsens.
Stridulations. Le chanteur s'approche du micro, il éteint sa cigarette avec une
nonchalance calculée et s'adresse à son public. Sa voix rocailleuse retentit,
amplifiée et distordue.
« …
and we play rock'n'roll ! » C’est le signal du départ. Un immense
grondement électrique ondule dans l'air. C’est le beuglement d'une basse qui
sonne comme mille guitares. Le chaos naît de la musique et contamine chaque
spectateur. Sorel est au milieu de tout ça. Cent quatorze décibels de
rock'n'roll font exploser ses tympans et la limite légale du volume sonore. Le
son des guitares sature tout son être. Ses tripes tressaillent de plus belle.
Son corps est malmené par les étreintes bovines de ses voisins. Des embruns de
bière tiède constellent son visage. A coté de lui, un vieux fan éructe.
« Got' la vache ! Ça c'est de la musique ! Clair, net,
précis ! ». Il a la barbe grisonnante et ses cheveux s'agitent en
rythme. Comme lui, d'autres manifestent la joie primitive qui les habite. Au
pied de la scène tout n'est que tourbillon de tignasses épaisses, de membres
agités et de bourrades viriles. De temps à autre le claquement sec et mou de la
chair contre le béton propage à toute vitesse son onde de choc au sol. Sorel en
tremble. Mais déjà le fêtard qui a chuté est relevé par ses camarades et la
bousculade reprend de plus belle. Les titres s'enchaînent. Le groupe est en
forme ce soir.
Sorel s'éloigne du concert et sort,
étourdi par les acouphènes. Dehors tout est calme. La nuit est froide. Quelques
rares passants se hâtent de rejoindre leurs foyers. Deux vigiles fument leurs
cigarettes devant les portes d'entrée ornées d'affiches. Personne ne fait
attention à Sorel qui contourne le bâtiment pour se poster prêt de la porte de
derrière. Il se cache entre la silhouette massive du tour-bus et son propre
véhicule. Il attend. Il a un attendrisseur à viande à la main.
Les derniers morceaux lui
parviennent de manière étouffée. Le concert se termine. Une salve
d’applaudissement et de cris retentit. Puis le silence s'installe à nouveau.
Sorel souffle dans ses mains pour les réchauffer et tourne sur lui-même,
impatient. De l'autre coté de la bâtisse, les gens rentrent chez eux ou
finissent la soirée sur le trottoir en compagnie d'une bouteille. Sorel attend toujours. Plusieurs fois, la porte de derrière s'ouvre, projetant un faisceau
de lumière sur le parking. Des gens sortent, mais ce n'est jamais l'occasion
pour laquelle Sorel patiente.
Et soudain c'est le moment. Trois
silhouettes viennent de sortir de l'édifice. Un réverbère jette sur eux son
éclairage orange. Sorel identifie le chanteur du groupe à sa haute stature et à sa moustache taillée à la gauloise. Il a
une bouteille de Whisky déjà bien entamée à la main. Deux jeunes filles dont les
vêtements noirs et luisants moulent les formes l'accompagnent. Leurs yeux et
leurs bouches traduisent un désir manifeste. Elles n'étaient pas au programme,
mais tant pis, c'est trop tard pour reculer. Le musicien et ses groupies rient
et titubent vers le bus. C'est le moment que choisit Sorel pour surgir et
abattre son maillet de toutes ses forces derrière le crâne du rockeur. Un coup
suffit. Un craquement mouillé retentit et le géant s’effondre au sol. L'idole
entraîne ses deux groupies dans sa chute. Elles se tortillent au sol. Sorel ne
perd pas un instant : son marteau en inox enfonce le nez d'une des filles
très profond dans sa tête qui se remplit de sang. L'autre fille crie. Sorel lui
fait un trou bien rouge et bien carré en plein milieu du front. L'attaque a
duré moins d'une minute et l'agresseur est calme. Il ouvre les portes arrière
de sa fourgonnette et charge les trois corps à l'arrière du véhicule.
***