lundi 23 décembre 2013

L’attaque des requins-vampires nazis de l’espace [Vinze]

Farniente martien, bikinis & alcool bon marché



À l’approche de Spring Break, les abords de Valles Marineris se remplissaient d’adolescents désirant décompresser de la vie étudiante sur Mars. L’année 2055 ne débutait pas sous les meilleurs hospices pour les futurs diplômés dont l’avenir était assombri par l’incertitude du futur suite à une nouvelle récession, découlant directement du crash financier de 2054 sur Terre.
Ben et Jack étaient bien décidés à profiter de chaque instant et à remporter la chasse au nichon organisée au sein de leur fraternité. Il n’était pas si compliqué pendant Spring Break de profiter de l’occasion de se rincer l’œil et de faire une sauvegarde photographique mémorielle de l’instant. Celui ramenant le plus de clichés gagnait le respect pour toute une année. Il y avait bien sûr une mention spéciale à celui qui réussissait à ramener un cliché de nu intégral, bien plus compliqué à obtenir.
« Bienvenue à tous pour Spring Break 2055 » annonçait un panneau à l’entrée de la cité balnéaire. L’inscription « Vive la fete » avait été ajoutée au marqueur en dessous, visiblement dans l’urgence et d’une main peu assurée.
Le soleil commençait à décliner dans le ciel et les deux amis avaient trois objectifs à atteindre avant qu’il ne disparaisse définitivement : Trouver un endroit où planter leur tente, de l’alcool bon marché et des filles pour partager la soirée, l’alcool et éventuellement la tente.
Rien ne semblait inaccessible dans cette ambiance. Bien que pris d’assaut les campings ne manquaient pas de places et les environs regorgeaient d’épiceries prêtes à vendre de l’alcool à prix modique, en grande quantité, sans être trop regardantes sur l’âge des clients. Finalement les filles étaient là pour s’amuser avant tout, et elles non plus n’étaient pas trop regardantes.
Au couché du soleil, la tente était plantée, les bouteilles étaient achetées et entamées et les filles abordées. Ben et Jack avaient entamé la discussion avec Nancy et Claudia au bord d’un feu de camp en cours de mise en route. Ils n’avaient pas longtemps hésité après avoir vu les deux amies, l’une rousse, l’autre brune, toutes deux belles et élancées. La soirée de printemps martien était douce et les deux filles ne portaient qu’un bikini, les flammes du feu naissant faisant jouer les ombres sur leurs peaux légèrement bronzées.
Ces vacances s’annonçaient épiques, contrairement à la discussion qui s’annonçait emplie de vacuité.




Scientifiques, militaires & menace imminente ignorée



À l’observatoire du mont Olympus, le professeur David Strain relisait ses notes encore et encore. Il connaissait les conclusions par cœur mais ne savait qu’en déduire. Mais même incomplètes, elles devaient être portées à l’attention des autorités, il en allait peut-être de la survie d’une partie des habitants de la planète. Et rien ne prouvait que la menace ne risquait pas de s’étendre à la Lune et la Terre.
Le général Shasloe était accompagné de deux gratte-papier sans importance : une secrétaire probablement recrutée pour sa plastique et sa compétence à servir le café et un jeune premier tout juste sorti de l’école militaire, sans doute le fils pistonné d’un gradé quelconque. Engoncé dans un uniforme bardé de médailles, le responsable militaire avait toutes les caractéristiques du cliché qu’on attendait de lui : le port altier, les cheveux grisonnant coupés courts, le visage strict qui ne devait dessiner une ébauche d’émotion qu’en cas de guerre nucléaire. Il s’efforçait de considérer le scientifique avec le plus de dédain dont il était capable, soit une bonne dose de condescendance ; lui seul avait l’intérêt de ses concitoyens en premier lieu à l’esprit.
Strain lança la projection holo au centre de la salle de conférence. Le militaire fit tous les efforts possibles pour rester de marbre.
— Qu’observons-nous ?
— Ceci a été repéré en provenance de la ceinture d’astéroïdes. Et ça se dirige droit vers nous. L’image n’est pas excellente à cause du champ de distorsion de Phobos.
— Et alors ? Ce n’est pas la première pluie d’astéroïdes que nous essuierons. Ces débris ne dépassent pas quelques mètres de long. Même si notre atmosphère est plus ténue que celle de la Terre ils se seront embrasés avant d’avoir atteint le sol. Pourquoi cette convocation alarmiste ? Vous comptez sur les autorités pour prévenir les touristes d’observer les étoiles filantes imminentes ?
— Vous ignorez le plus important. La trajectoire et l’inertie de ces objets non identifiés indique sans doute possible qu’il ne s’agit pas d’astéroïdes...
Le professeur était satisfait d’avoir réussi son effet. Malheureusement en vain puisque le général refusa de considérer sérieusement cette dernière affirmation. Puis il mit fin à la rencontre, ne partant pas sans avoir une dernière fois affirmé de manière péremptoire que l’État ne ferrait rien à défaut de preuves solides de ce que l’alarmiste scientifique avançait.



Ceinture d’astéroïdes, syndrome du survivant & barmaid sexy



— Vous n’avez pas une tête à boire seul.
La barmaid avait les cheveux courts et un piercing sous la lèvre. Elle avait surtout un haut moulant dont le décolleté était une incitation au pourboire ; décolleté dans lequel nageait un  dauphin, gracieux animal d’encre qui risquait fort de devenir un lamantin vingt ans plus tard. Mais Fred n’avait aucune envie de socialiser en cette soirée ; écluser les verres de whisky était une activité beaucoup plus attractive. La prime d’accident qu’il avait ramené de ses mésaventures dans la ceinture d’astéroïdes devrait lui permettre de boire suffisamment pour rentrer à sa chambre à quatre pattes pendant encore quelques jours.
— Je ne suis pas seul. Vous ne voyez pas tous les fantômes qui m’entourent ? Je bois à leur santé.
Il espérait s’être assuré un instant de calme avec sa répartie. Il n’en fut rien et la bougresse poursuivit son harcèlement.
— C’est plutôt calme ce soir. Laissez-moi trinquer à leur santé avec vous. Celle-ci est pour la maison (elle sortit un deuxième verre puis servit une rasade de whisky dans chaque). Parlez-moi donc de ces gens pour lesquels nous buvons.
Tant pis pour l’ivresse solitaire. Il trinqua avec réticence avec la demoiselle et entreprit de raconter son histoire. Quitte à avoir une séance de thérapie de comptoir, autant le faire en buvant. Et il se lança dans un monologue, encouragé par la mine sérieuse de la serveuse.
— Je reviens de la ceinture d’astéroïdes. Une mission de prospection de six hommes. Je suis le seul à en être revenu vivant... (Il relève la manche de sa chemise pour révéler la prothèse bionique qui lui sert d’avant-bras) Et il s’en est fallu de peu. Au milieu des astéroïdes se trouvait une structure qui n’avait rien de naturelle, un complexe artificiel déguisé en astéroïde. Si j’en crois le design et quelques inscriptions, c’était très probablement une base secrète de survivants nazis. Mais à peine nous sommes nous approchés que ces monstres génétiquement modifiés, fruits de monstrueuses expérimentations, nous ont attaqués. Ils se déplaçaient dans l’espace sans avoir besoin de respirer. C’était des requins-vampires...



Étoiles filantes, brume & cadavres exsangues



Heureusement la plupart des étudiants avaient quitté l’eau pour rejoindre la plage et observer les étoiles filantes quand les météorites tombèrent dans la mer. Il y eut peu de blessés et de disparus ce premier jour. Les objets étaient de faible taille et l’alerte n’avait pas été donnée, ils étaient censés se désintégrer totalement à l’entrée dans l’atmosphère. Mais il n’en fut rien et les météorites percutèrent la surface à grande vitesse.
L’énergie cinétique des impacts échauffait l’eau et la mer ne tarda pas à être recouverte d’une chape de brume. Les quelques personnes encore dans l’eau disparurent de la vue de tous et ne réapparurent pas. Le brouillard ne tarda pas à s’étendre et commença à recouvrir la plage. Les vacanciers, paniqués de voir leur champ de vision réduit par une inoffensive vapeur d’eau rassemblèrent leurs affaires et se mirent à courir en tous sens. Les quelques maîtres nageurs et policiers municipaux sur place furent bien en peine pour juguler ce mouvement de foule.
Les gens atteinrent finalement la ville, sous l’œil bienveillant des commerçants. Les jeunes, plus choqués, se réfugièrent dans les cellules de crise psychologiques improvisées dans chaque bar et débit d’alcool. Le traumatisme de l’événement fut noyé dans l’alcool, les drogues légales ou non, les parties de strip-poker et les chansons grivoises.
Ce n’est qu’en fin de journée, lorsque la brume eut fini de se dissiper, que les premiers cadavres furent retrouvés sur la rive. Il s’agissait probablement de certains des baigneurs disparus. Mais ils ne semblaient pas noyés et ne portaient pas les stigmates d’une météorite reçue sur le coin de la tête. Certains avaient les membres arrachés, d’énormes traces de morsures et, par-dessus tout, les corps ne contenaient plus une seule goutte de sang.



Debriefing, « je vous l’avais bien dit » & soirée de l’ambassadeur



David fulminait en faisant les cent pas dans son laboratoire. Il était évident que ce n’étaient pas de vulgaires météorites. Il étudiait encore et encore les tracés des trajectoires ; aucun doute n’était possible, les projectiles n’étaient pas mu par leur seule inertie : si ce n’était de l’intelligence, il y avait une part d’initiative qui ne devait rien au hasard. Les météorites, à défaut d’un meilleur terme, avaient pris la direction de Mars intentionnellement et avaient ralenti avant de percer les couches supérieures de l’atmosphère. Les relevés faisaient également preuve de l’existence d’un champ de protection qui en addition d’une forme aérodynamique expliquait qu’elles aient percuté la mer intactes.
Shasloe l’avait ignoré et maintenant des gens étaient morts ; le professeur avait la certitude que ce n’était pas une coïncidence. Il fallait maintenant garder son sang froid et analyser ces nouvelles données pour affiner leur étude et fournir un compte-rendu exhaustif qui mettrait le général face à ses responsabilités. Et c’est l’assistante du scientifique – une belle femme s’efforçant de s’enlaidir avec de grosses lunettes d’hipster et une blouse masquant toute trace de courbes féminines – qui débloqua la situation en faisant le lien entre l’état des corps retrouvés et le témoignage d’un rescapé de ce fait divers qui avait eu lieu dans la ceinture d’astéroïdes quelques semaines auparavant.
Des requins-vampires ! Tout concordait enfin : le schéma de déplacement en banc, la forme effilée et cette trajectoire déterminée de chasseur fondant sur sa proie. Il devait contacter ce prospecteur pour rassembler le plus d’indices possibles. Mais avant cela il lui fallait contacter le militaire pour une petite séance de « Je vous l’avais bien dit ».
— Allô ? [...] Oui dites-lui que c’est de la plus grande urgence. [...] Oui, non je ne raccroche pas.
Au bout de plusieurs minutes de musique d’attente ennuyante, le professeur fut enfin mis en relation avec le général.
— Encore vous ! C’est pour quoi cette fois ?
— Les météorites qui sont tombées cette après-midi.
— Encore ? Un petit mouvement de panique vite maîtrisé... Vous voyez bien qu’il n’y avait pas de raison d’être alarmiste. Maintenant c’est fini et ça ne vous regarde plus.
— Mais...
— Mais rien ! Je suis attendu pour une soirée chez l’ambassadeur sélénite et vous allez me mettre en retard. Alors au revoir.
— Mais il y a eu des morts...
Le général avait déjà raccroché et ces derniers mots résonnèrent quelques minutes dans le vide avant que le professeur, dépité, ne se résigne à raccrocher le combiné. Puisque les autorités s’évertuaient à minimiser la menace, il allait bien falloir qu’il prenne les choses en mains.



Xylostomiase, aspirine & démangeaisons intimes



L’alcool de la veille donne toujours l’impression que la Terre tourne trop vite ; même sur Mars... Fred essaya de se concentrer, faisant abstraction de la force centrifuge et de la démangeaison qui prenait naissance dans son bas-ventre. Affalé sur le lit, la bave coulant sur les draps, il observait le dauphin danser dans un océan rose où deux bouées plus sombre ondulaient au rythme des vagues, le mammifère marin semblait sourire et se moquer de lui. Il se fit violence pour remettre ses idées en place : le tatouage n’est pas vivant, les tétons ne flottent pas, la respiration du sommeil n’est pas soumise à la marée, les dauphins sourient toujours et il n’était pas la cible de ses moqueries.
Il se redressa sur son coude, arrachant sa tête à la forte gravité – plus du tiers de celle de la planète mère. Il se demandait ce qui pouvait l’avoir sorti du sommeil. Sa tête n’était pas complètement extraite de son derrière, le réveil ne pouvait pas être naturel. Le son strident qui lui transperçait les oreilles et le cerveau était un suspect sérieux. Qu’est-ce qui pouvait être aussi désagréable et dissonant ? Un voisin joueur de cornemuse ? Un coup d’œil à la table de nuit apporta à Fred la réponse sous la forme de son téléphone sonnant, vibrant et clignotant toutes diodes dehors.
— Mmmh ? Flageuh ?
— Monsieur Kusser ? Je suis le docteur David Strain et...
— Ah vous tombez bien, doc ! J’aurais besoin d’une aspirine et de citrate de Bétaïne...
— Euh, je suis docteur en physique.
— Ah, tant pis. Vous n’aurez qu’à passer à la pharmacie, je suis sûr qu’il y en a une dans le coin.
Une fois le quiproquo levé, Fred comprit qu’on cherchait à l’embaucher comme consultant. Il n’était pas particulièrement dans le besoin – la compagnie minière lui avait versé une prime de « ferme-ta-gueule » non négligeable – mais un peu d’occupation lui changerait les idées, même si ressasser ses idées noires en essayant de les noyer dans le bourbon n’était pas un hobby dénué d’intérêt à ses yeux.
Il finit par réussir à se relever, et après avoir labouré de ses doigts son pubis, entama de se rhabiller afin de se rendre à l’entretien d’embauche impromptu qu’il venait de décrocher.



Les dents de Valles Marineris, vodka & treize à la douzaine



Nancy dut s’écarter du groupe : l’appel du grand large se faisait pesant sur son estomac imbibé d’alcool très sucré et peu cher. Elle abandonnait auprès d’un feu de camp sur la plage ses compagnons de soirée ; Ben les doigts fermement bloqués autour de la bouteille qui tournait depuis quelques minutes et Jack les doigts fermement bloqués dans Claudia.
L’eau était particulièrement attractive et l’envie d’un bain de minuit la pressait. Mais le contenu de son estomac fut le plus prompt à se jeter à l’eau. Crampée de douleur au-dessus du vomi surnageant dans l’eau de mer, la tentation du bain de minuit s’atténuait. Tout à coup, les restes de frites à la vodka commencèrent à s’agitait sous la faible lumière du clair de Phobos.
Malgré la fatigue et les effets de l’alcool, elle trouva la force de pousser un cri de réflexe quand la flaque de vomi, toutes dents dehors, sembla s’extraire de la mer pour lui sauter au visage.
Ben passa la nuit en tête-à-tête avec sa main dans les toilettes du camping, comme une triste réminiscence de son adolescence alors que Jack et Claudia s’envoyaient en l’air dans la tente. Le corps de Nancy fut parmi la dizaine de cadavre retrouvés au petit matin.


Une fois le puzzle des différents membres résolut, treize cadavres furent décomptés. Mais seuls douze étaient humains. Le treizième était intact, l’un des requins-vampires s’était échoué sur la plage, l’estomac encore plein du sang de Nancy.
La menace était identifiée et les médecins se frottaient les mains de pouvoir étudier la bête. Et c’est le docteur Baybars, médecin légiste au seul hôpital de la station balnéaire, que revint le privilège de se frotter les mains à l’idée de pratiquer l’autopsie.



Réunion des protagonistes, re-« je vous l’avais bien dit » & cliffhanger



Ben, Jack et Claudia étaient trop traumatisés par la mort de leur amie pour remarquer le petit groupe qui venait de débarquer dans l’hôpital : Le docteur Strain marchant avec détermination, son assistante l’accompagnant et Fred à la traîne se grattant le pubis. Ledit groupe ne remarqua pas non plus le groupe d’adolescents éplorés, ils se dirigeaient à travers les couloirs aseptisés en direction de la morgue où le légiste venait de finir son office.
Dans la salle, le général Shasloe était déjà présent à s’entretenir avec le docteur Baybars. Alors que le professeur Strain s’apprêtait à pavoiser en recyclant son « je vous l’avais bien dit » qu’il n’avait pu placer auparavant, le militaire le coupa court :
— Ah vous voilà enfin ! C’est pas trop tôt !
— Vous ne manquez pas de toupet, je –
— Vous avez intérêt à trouver une solution ou je vous tiendrai personnellement responsable de ce fiasco.
— Mais –
Sa protestation ne trouva jamais oreille attentive, le général venait de quitter la pièce en essayant de claquer la porte à battant qui se referma doucement freinée par son groom.
Le professeur se retourna avec désespoir vers le médecin, prêt à entendre ses conclusions, puisqu’il était désormais personnellement responsable du fiasco qu’il s’était évertué à prévenir.
— Vous confirmez la nature de la créature ?
— Oui aucun doute n’est possible, c’est une variété génétiquement modifiée de requin-vampire, adaptée à la survie spatiale. Nous savions que les nazis avaient entrepris ce genre de recherches durant la seconde guerre mondiale, il semblerait que certains survivants du reich aient poursuivit ces travaux...
— Ça confirme la version de monsieur Kusser, même si je n’en avais jamais douté.
Fred ne réagit pas à la mention de son nom et se contenta de rester en retrait en gardant son air mystérieux et bourru, gardant les incursions de ses ongles dans son jean aux seuls moments où aucune attention ne se portait sur lui.
Le médecin reprit la parole alors que Ben, Jack et Claudia faisait leur entrée :
— Je me suis permis de faire venir les adolescents qui accompagnaient la victime. Ils pourront vous renseigner sur les conditions de l’accident.
Après avoir soulagé une démangeaison, Fred ouvrit la bouche pour la première fois depuis leur arrivée à l’hôpital :
— Vous pouvez nous dire où ça c’est passé ?
— C’était sur la plage... commença Jack.
— Ah je vois très bien où c’est ! Allons en route !
Alors qu’ils allaient passer la porte, le légiste les interpella :
— Au fait ! Avant que vous y alliez, il est important que je vous informe : Je sais comment les tuer...



Révélation, implants mammaires & chemin de la guerre



Tout le monde s’était figé, imitant le sourire sur le visage du médecin. Se retournant de trois-quart vers la porte devant laquelle ils s’étaient arrêtés, il laissa quelques secondes à sa révélation pour faire son effet avant de finalement abandonner son sourire pour laisser enfin sortir de sa bouche les mots que tous attendaient désormais.
— J’ai dû refaire les analyses et confier des contre-analyses aux laboratoires de l’hôpital mais je suis formel : je sais ce qui a tué la créature que j’ai autopsiée et je sais comment nous débarrasser de toute son engeance.
— Nous vous écoutons, relança le professeur lassé de ce suspens.
— Il est mort d’une réaction allergique à une substance ingérée. Une substance que l’on trouve en quantité dans ce même hôpital où nous nous trouvons...
Fred se retenait de menacer le légiste de représailles physiques s’il ne se hâtait pas de conclure son explication et s’il n’arrêtait pas avec ce suspens agaçant. Mais ses paroles ne furent pas nécessaires, ce dernier se décidant à poursuivre avec plus d’entrain après avoir croisé le regard noir de l’aventurier.
— Il est mort d’une allergie au silicone qui se trouvait dans un implant mammaire qu’il a percé de ses dents.
— Oh mon Dieu ! Nancy s’était fait refaire les seins l’été dernier, s’exclama Claudia.
— Je le savais ! réagit Ben.
Jack ne détachait pas ses yeux de la poitrine de Claudia, se demandant si lui aussi avait été trompé sur la marchandise. Puis Fred le tira de ses pensées en remobilisant tout le monde :
— Alors on partira à la guerre armés ! Où se trouve l’aile de chirurgie esthétique dans cet hôpital ?



Sus aux requins, sus aux vampires & sus aux nazis



La deuxième nuit après l’invasion venait de s’achever... Et ce serait la dernière sur Mars pour ces créatures. Notre petite troupe s’approchait de la plage, armés jusqu’aux dents – voir jusqu’aux décolletés pour certaines. Fred avait pris la tête, suivit des trois adolescents ; le professeur et son assistante fermaient la marche, chargés du stock de « bombes » préparées.
Pendant qu’ils élaboraient leur plan à l’hôpital, la nuit avait encore été particulièrement meurtrière et les cadavres jonchaient la berge. Quelques corps de requins-vampires se retrouvaient au milieu du décompte ; les implants mammaires étaient particulièrement répandus dans la population locale. Mais il n’était pas possible d’attendre que tous les envahisseurs succombent à la nourriture locale, les pertes dépassaient les quotas acceptables de dégâts collatéraux.
Fred saisit la première bombe, poche de plastique contenant sang et silicone le tout entouré d’un bout de cadavre pour attirer la proie. Son lancer était puissant et précis ; si ce n’avait été pour sa blessure à un genou il aurait pu être lanceur professionnel dans la Major League Baseball. Après quelques éclaboussures, l’objet se stabilisa, flottant sur l’eau. Deux ailerons semblaient faire la course pour la friandise.
D’autres ailerons firent leur apparition. Pour qu’il n’y ait pas de jaloux, Fred et les adolescents se mirent à bombarder toute la surface de la mer de pochettes surprises, alimentés en munition par les deux scientifiques.
La mer était agitée ; et ni le vent ni les marées n’y étaient pour quoi que ce soit. Des gueules émergeaient, hérissées de dents acérées, pour se refermer d’un claquement. Certains requins semblaient se battre, convoitant la même proie alors qu’une autre se trouvait seule à quelques mètres à peine. Le sang ne tarda pas à colorer l’eau. Et les créatures frappées d’une intoxication alimentaire ne tardèrent pas à flotter, le ventre offert à la caresse des rayons du soleil.


Quelques instants plus tard la mer s’était calmée, ballottant doucement les cadavres des monstres au rythme doux des vagues. La bataille était finie, tous les ennemis étaient vaincus. L’assistante du professeur, beaucoup plus jolie une fois ses lunettes rangées dans la poche de sa blouse, se jeta au cou de Fred pour l’embrasser fougueusement jusqu’à ce que ce dernier lui rende son baiser. Claudia se jeta au cou de Jack pour faire de même. Ben se retourna vers le professeur pour lui serrer la main avec un sourire gêné.
Puis d’autres couples de congratulations se formèrent. Claudia embrassa Fred, sur la joue cette fois. Les deux scientifiques se congratulant de leur clairvoyance et leur détermination face à une bureaucratie militaire embourbée dans sa bêtise. Et Jack et Ben, complices comme jamais, échangeaient la poignée de main de leur fraternité, accompagnée d’un regard entendu. Ils ne reviendraient sûrement pas vainqueur de la course aux nichons cette année, mais même sans preuves ils auraient la conviction d’avoir palpé plus d’implants mammaires que tous leurs camarades réunis.



Célébration des héros, démangeaison intime & retour aux affaires



Le général Shasloe fut parmi les premiers à les féliciter. Ça ne l’empêcha pas ensuite de partager le podium avec eux tandis que le président de la colonie martienne remettait des médailles en louant l’efficacité de la réaction des autorités et l’initiative citoyenne salvatrice. Bref, il faisait de la politique et les héros du jour ne savaient trop où se mettre en attendant qu’on leur épingle un bout de métal ; à l’exception du militaire qui semblait rompu à l’exercice et parfaitement dans son élément lors de cet événement protocolaire inutile – même si son appartenance au-dit groupe de héros relevait de l’usurpation politicienne.
Sur une estrade face à tout un public, il était difficile pour l’assistante du professeur de réprimer son envie d’un geste déplacé qui soulagerait ses démangeaisons.
Dans les semaines qui suivirent, le groupe éphémère se sépara. Ben et Jack d’un côté, Claudia de l’autre, chaque adolescent retourna à ses études universitaires ; l’amourette de vacances n’était pas vouée à perdurer. Le professeur et son assistante retournèrent à leurs observations spatiales. Fred repartit assoiffer son addiction à l’alcool à l’aide de ce qui lui restait d’argent après avoir profité d’une unique nuit avec la scientifique. C’est finalement le général, bien passif durant la crise, qui fut le plus actif par la suite.


Alors qu’il sortait péniblement du lit d’une nouvelle conquête, Fred entendit son téléphone sonner. Il répondit avec un fort sentiment de déjà vu :
— Mmmh ? Flageuh ?
— Monsieur Kusser ?
— C’est encore le médecin ?
— Négatif ! Ici le général Shasloe. J’ai une proposition à vous faire.
— Oh ! Et vous ne pouvez pas passer à la pharmacie sur la route ?



Ceinture d’astéroïdes, expédition punitive & pieuvres-zombies nazies de l’espace



Le vaisseau traçait à travers le système solaire en direction de la ceinture d’astéroïdes où se trouvait la base nazie à l’origine de tous ces malheurs. Fred avait accepté la proposition du général de diriger cette expédition punitive. Dans le but de démanteler à jamais cette installation. C’était aussi l’occasion pour lui de toucher une intéressante prime avant que la précédente ne se soit épuisée, mais surtout de se confronter à ses démons, expier cette faute imaginaire d’avoir survécu alors qu’il ne le méritait pas plus que les autres. Et en tant qu’unique survivant, il était le seul à pouvoir s’acquitter de cette tâche.
Les militaires avaient mis les moyens cette fois. Pour combattre une horde de requins-vampires ayant envahi la mer martienne il n’y avait personne pour les aider, mais maintenant qu’il fallait combattre une installation fantôme, il avait l’appui de tout un peloton. Et bien sûr toute une équipe de scientifiques chargés de récupérer tous les éléments intéressants de l’installation pour les étudier ultérieurement. Les nazis étaient de dangereux psychopathes qui avaient semé la panique dans toute une station balnéaire, mais leurs travaux d’ingénierie génétique pouvaient représenter un grand bond en avant pour l’humanité.


L’installation en forme de svastika qui flottait au milieu des autres astéroïdes ne fut pas difficile à retrouver. Elle se trouvait exactement à l’endroit prévu, calculé à partir de la position indiquée par Fred et la force de gravitation subit du soleil et des planètes alentour. La navette se posa devant l’imposante ouverture qui servait de porte au complexe. Le sas était béant, probablement cassé par l’usure, nouvelle preuve que l’endroit était désaffecté. Fred sortit le premier, encadré de tous les soldats ; les scientifiques fermaient la marche d’un pas manquant d’assurance.
Ils progressèrent dans un long couloir menant à un hall, puis de là continuèrent vers ce qui semblait être les laboratoires ; d’immenses salles remplies de tables où s’accumulaient matériel et poussière, entourées de réservoirs de tailles diverses remplis d’un liquide indéterminé dont les scientifiques s’empressèrent d’aller faire des prélèvements.
Dans une ombre louvoyait un tentacule grisâtre. Fred se retourna quand le hurlement brisa le silence, mais il ne vit rien...

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