I
Où suis-je ?
C’est
une question que je dois m’être posé un bon milliard de fois depuis que je suis
tombé ici. Une
heure, une semaine, ou un an, et pourquoi pas mille ? Je crains de ne plus
très bien, savoir ce qu’il en est exactement, j’ai perdu la notion du temps.
D’ailleurs,
suis-je vraiment ici ?
Ma
perception de cet environnement pourrait être tronquée par de fausses
informations. Pour autant que je sache, je suis peut-être en train de rêver.
Ou
mort.
Même
la seconde option me semblerait préférable, dans le cas contraire, cela
signifierait que tout ceci existe. Et
cela me terrifie.
Blanc !
Rien
d’autre ne peut définir ce Lieu.
Autour de moi et jusqu’à l’infini, tout est blanc, désespérément blanc.
Me
souvenir.
Je
sens, je sais que c’est important, primordial, même. Comment suis-je arrivé
ici ?
Procéder
par étape.
Froid.
La
chair de poule. Une réaction physiologique qui élimine a priori l’idée de la mort.
Je
respire, difficilement, mais je respire et mon cœur bat beaucoup trop vite il
me semble.
Soif.
Ma
langue est sèche, j’ai l’impression d’avoir du sable dans la bouche et je crois
que je pourrais tuer pour une gorgée d’eau.
Ce
Lieu a une odeur.
Je
la connais, mais je suis incapable de mettre un nom dessus. Un nettoyant quelconque,
un désinfectant peut-être.
Et
un goût, ce Lieu a aussi un gout.
Métallique, désagréable.
Hurlement.
Le
cri se répercute longuement autour de moi, l’écho semble ne jamais vouloir
s’arrêter.
Il
me faut quelques secondes pour réaliser que la bouche qui a poussé ce cri est
la mienne.
Putain,
qu’est-ce que je fous ici ?
II
Le
silence à nouveau, enfin.
Et je tombe toujours. Vers où, vers
quoi ?
Un visage.
Féminin.
Cheveux roux, visage fin, les yeux
sont tristes, la bouche crispée. Je la connais, je sais que je la connais. Mais
j’ai oublié son nom.
Sombre.
Sombre ? Plutôt gris. Du gris
dans cette immensité blanche ? Loin, très loin en dessous de moi, je
distingue une tache sombre. Elle est minuscule, à peine un point, mais nul
doute que ce point va grossir au fur et à mesure de ma descente.
Quelque part, ce Lieu a peut-être une fin, quelle qu’elle
soit.
Une manière de porte par où
m’échapper.
Ou un fond.
Sur lequel je vais m’écraser.
Et mourir.
Car je ne vois pas comment je
pourrais survivre à une telle chute.
Le point grandit, c’est très lent,
mais il grandit. Dans un environnement normal, je ne pourrais même pas le
distinguer, mais dans cette blancheur oppressante, il m’est impossible de le
manquer. Le gris s’est considérablement assombri, je suis maintenant certain
qu’à l’arrivée il sera noir.
Noir, mon
Dieu, qu’est-ce qu’il y a en bas ?
Une voix, non, des voix.
Plutôt des murmures.
Il y a d’autres personnes ici.
Où ?
Peut-être m’observent-elles,
peut-être suis-je le sujet de quelque expérience insensée ?
Peut-être, peut-être, peut-être…
Des personnes…
Des hommes ? Ou des
extraterrestres, ou des démons, ou… ou quoi ?
Je ne comprends pas ce que disent
ces voix, elles me semblent déformées, assourdies, comme si je les entendais au
travers d’un mur.
Je ne dois plus être très loin, de
point gris, la tache est devenue une tache noire de la taille d’un ballon de
football. Noire, noire et menaçante.
Et si ce noir n’était pas synonyme
de fin, mais symbole d’une autre chute, plus terrible encore ?
Je n’ose penser aux atrocités qui se
cachent dans cet abîme que cette fois j’imagine sans fin.
Des choses innommables, prêtes à me
saisir, me déchiqueter, me dévorer ad
vitam aeternam.
Les voix deviennent plus claires, je
ne comprends toujours pas ce qu’elles disent, mais je les sens apaisantes,
bienveillantes.
Je tombe.
L’abîme m’appelle.
Je vous en supplie, qui ou quoi que
vous soyez, entendez moi, aidez moi !
Arrêtez-moi, arrêtez-moi !
Arrêtez-moiiiiiiiii !
III
— Il
est sauvé Docteur.
—
J’ai bien cru que cette fois nous
l’avions perdu. Beau travail, vous pouvez refermer, je vais aller prévenir sa
femme.
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