dimanche 28 avril 2013

Les aventures de Clothain et Chagane [Gallinacé Ardent]


LES AVENTURES DE CLOTHAIN ET CHAGANE
Pour Harley.

Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
(Racine, Phèdre)

Grande Dalle du Mirail, Toulouse, samedi après-midi.

Il y a deux hommes désœuvrés nonchalamment assis sur les escaliers entre la fac et le quartier résidentiel. A leurs côtés, un poste de radio qui joue Cheri cheri lady de Modern Talking.

Deux hommes qui se sont réunis là afin de, je cite, « choper de la fouffe ».

[Oh I can't explain, every time it's the same...]

Le plus vieux s’appelle Clothain. Un grand escogriffe blanchâtre dépourvu de cheveux, les lunettes noires achetées pour deux pièces au discount du coin. Il s’étale sultanesquement sur les marches sales. Le tissu blanc de son débardeur pend comme un chiffon sur une poitrine imberbe, comme rétrécie au lavage. Heureusement, il a un peu de touffe aux aisselles pour compenser son absence de pilosité : mais les quelques poils épars et timides ont plus l’air de vermicelles marronâtres et séchés que de toison de mâle alpha.

En ce moment, il a le rictus satisfait du bronzeur urbain. Le soleil du mois de mai, comme un sèche-cheveux tentant sans succès de brunir un cachet d’aspirine, lui chauffe son corps pâle, dévitalisé, à la musculature rétrécie, fondue.

En face de lui, son acolyte, Chagane s’est levé. Il a vu une Femme.

Femme. L’information traverse les couches inférieures de la masse cervicale, et déclenche un réflexe quasiment pavlovien : le mot « chatte », réitéré mécaniquement. Le temps que la donzelle passe, Chagane l’a poursuivie de son cliquetis verbal « chatte-chatte-chatte-chatte-chatte », la lippe humide, la truffe dilatée, l’œil exorbité. La passante l’a superbement ignoré. Elle aura juste eu le temps de jeter un regard de mépris pour son agresseur. Un regard de mépris sur ce corps adipeux qui rentre à peine dans sa chemise à carreaux, ce nombril obscène en forme d’hémorroïdes, oasis d’une jungle de poils ventraux. Un regard de mépris pour ces bajoues de hamster surmontées de grosses lunettes aux verres épais, gratifiant le porteur d’un regard écarquillé de tortue sous datura. 
Un regard de mépris pour l’autre gars derrière, l’allumette aux velléités de caïd, qui se vautre comme une loutre bourrée sur le béton du Mirail, et qui lui grasseye avé l'assent

«Tu veux qu'on en parle ? T'as un numéro de téléphone ? Tu as la chatte bombée ou plate ? » Losers.

Ces deux messieurs, Clothain et Chagane, sont malades de la bite. Viscéralement. La leur est un petit organe esseulé, apeuré. Il se tapit dans le nid des poils pubiens, prêt à fuir dans sa cachette au moindre danger, mais désespérant d’en sortir et d’explorer le vaste monde.


Zob assoiffé, zob martyrisé, zob autiste. Zob névrotique, hargneux de se faire entendre, mais n’ayant qu’une toute petite voix, à peine un léger filet.

[I've been lonely too long, oh I can't be so strong. Take the chance for romance, I need you so...]

Clothain n’a pas fait gicler sa tige de rhubarbe dans un organisme étranger depuis plusieurs années. Mais il garde des souvenirs émus de La Baule, 1993. A cette évocation, son zob pousse un soupir, laissant échapper quelques gouttes. Ça avait été bien mieux que la tentative Bali 2003 (beurk) et ses filles mineures. La baise triste, sinistre dans les paillotes. Nyoman, la petite vierge, la salope de 15 ans, qui ne bougeait pas, raide comme un balai, se contentait de regarder le plafond d’un air absent, en attendant que ce soit fini. Le tourisme sexuel, ça ne s’était pas avéré autre chose que l’ampoule nue sur un lit de paille humide, pendant que la maquerelle guette derrière la porte, le temps que la besogne laborieuse se termine. Et puis une crise d’herpès génital, en prime. Plus jamais ça.

Chagane, quant à lui, n’a pour ainsi dire jamais inséré la partie durcie de son anatomie dans une grotte suintante femelle. Alors il sent que son ouistiti est poursuivi par la nécrose. Il est vrai que la teinte rosâtre de son gland tire à présent sur le grisâtre. Alors, pour ranimer la petite chose, il effectue sur elle des massages frénétiques et journaliers. Il se sert pour cela de supports visuels : en général des vidéos humides de femmes qui frottent leur sexe contre la caméra, si près que le spectateur pourrait presque mordre dedans. L’organe masculin du voyeur, secoué avec constance, finit par se purger de ses humeurs en un soupir. Cependant, il faut recommencer l’opération maintes et maintes fois : le pus s’accumule si vite dans les bourses. A présent, l’irritation ne le quitte plus, l’épuisement pèse durement sur les fibres. Mais Chagane n’a pas le choix : comme une dent cariée lance douloureusement la gencive, sa queue de rat lui cuit l’entrejambe. Alors il poursuit les passantes de ses obscénités compulsives. Il est venu pour ça. Ils sont tous les deux venus pour ça.

Il se fait faim toutefois. Chagane va chercher des saucisses à la moutarde pour le repas de midi. Les deux amis mordent dans la chair avec appétit. La glande, ça creuse. Clothain commence à être rassasié. Par conséquent, sa langue se délie. Il se met à postillonner, projetant des petits morceaux de saucisse alentour. Car c’est un grand parleur : il a fait l’Indochine, il a écumé les 7 mers du globe, il a vécu 9 vies. C’est en quelque sorte le gourou de Chagane. Surtout en ce qui concerne le sexe.

(Fond sonore craché par le poste : Licence IV : Viens boire un p'tit coup à la maison)
Leçon numéro 396 :

« L'Homme a la force. C'est ça qu'il fait qu'il règne. Basiquement. Comme le premier animal venu. Alors il montre la femme comme il voudrait qu'elle soit tout le temps. Une grosse salope qui se colle en levrette et suce la bite d'un claquement de doigt, de préférence avec des gros seins mais pesant moins de 60 kg pour minimum 1m70. Le coup de la "part féminine" chez l'homme, ou l'inverse, ça c'est de la vraie connerie. Nos chibres sont là pour nous le rappeler. (...) Une chienne qui taille 20 pipes par jour à n'importe qui, j'ai connu ça. Une cochonne de compétition, très sympa en plus. Qui savait rester digne alors que c'était une "pute gratuite". C'est l'exception qui confirme la règle. L'homme propose, la femme dispose. Ne l'oublie jamais, espèce de branleur. (...) Tu vois pour moi, les gros mots que sont "préjugés" ou "clichés", j'appelle ça des "vérités". Pas 100% du temps sur 100% des sujets mais très souvent. A l'inverse de toi, je crois que les remettre en cause sert plus à créer des tensions et des inégalités qu'à vivre harmonieusement. Les mieux éduquées des demoiselles (et les plus jolies aussi, je discute pas avec les thons) aiment bien qu'on leur parle de cul comme un porc avant de les sauter. Tu rentres dans le trou et tu limes. Tu dois chier dans une assiette en traitant les gonzesses de salopes pour avoir l'air cool ? Tu le fais... »

Et Chagane écoutait d’un air pénétré. Clothain avait une forme de sagesse suprême, le temps avait buriné son front suant de fines rides philosophiques... Et ça lui faisait bouillir le sang, au Chagane... Ça lui remettait les idées à l’endroit. Ça lui montrait bien qu’une femme, c’est avant tout un sexe, et que la force et la vulgarité représentait le plus court chemin pour y parvenir. Finalement, la personnalité des filles était plutôt quelque chose de superflu, un obstacle à la baise directe, au jouissif dégorgeage de poireau. Tout ces complications modernes, c’était une invention des mal-baisées féministes, alors qu’avant tu pouvais promener ton chibre où tu voulais, quand tu voulais, elles mouftaient pas les salopes. Putain de merde. Ça fermentait sous sa peau, ça lui chauffait la bile, Chagane fumait, fulminait, moi aussi je veux ma part de foufoune, les salopes elles font des mines genre je-veux-pas, mais elles demandent que ça, ramper, lécher, faire la pute, se faire foutre profond, se faire cracher et pisser dessus, essuyer le sperme dans les cheveux, tirer les tétons, claquer les fesses, insulter. Se faire montrer qui est le maître.

Le cornet de saucisses de Clothain est terminé. La chanson s’arrête. Une autre commence. Georges Michael : I want your sex. Les deux hommes lâchent des roucoulements ravis. A ce moment, une petite étudiante de l’université du Mirail vient à passer. L’œil humecté de stupre, Chagane se lève comme un suricate jovial : il se plaque à la fille, passe langoureusement sa langue râpeuse sur la peau d’une de ses saucisses restantes, fait « Tu veux ? Tu veux ? Chatte-chatte-chatte... ». La fille scandalisée le repousse : « Mais dégage pauvre type, c’est quoi ton problème putain ?!? » C’en est trop pour Clothain : il se lève lui aussi, saisit l’étudiante par le bras, la toise. Il déclame d’un ton rageur :  
« Chatte-chatte-chatte-chatte... C'est pas plus vulgaire que le discours féministe forcené que toi et tes copines étalez trop souvent. Je pense qu'un jour, tu devrais essayer de baiser avec un gars de ce genre. Tu sais pas mais peut-être qu'il va te défoncer la chatte comme t'as jamais vu. Et que ça va te plaire. » Il lui jette un grand sourire plein de dents en lui tordant le poignet. « Tu veux qu’on continue encore un peu ou j’ai prouvé que j’avais raison ? »

La jeune fille le regarde avec un air mi-surpris, mi-furieux. Elle n'a pas peur : elle a bien vu que l’homme qui la maintient ainsi est à peu près taillé comme un coton-tige sidéen. Elle s’apprête à le frapper, du genou, au point de jonction des deux jambes. Mais l’autre gros réagit plus vite : il s’exclame d’un  « salope ! » suraigu, qui contient curieusement comme une petite note de détresse ; et il saisit l'étudiante par l’autre bras. Ha !

Lâchez-la, serpents. Lâchez-la tout de suite.

L’ordre a jailli à l'intérieur de la tête des deux agresseurs. Pris de court, ils libèrent la jeune fille qui en profite pour se reculer et s’enfuir. Dans le même temps, ils sentent un grand vent glacial qui attaque leurs corps, comme si quelqu’un avait ouvert un hublot dans un avion. Le soleil est parti, une ombre s’est couchée sur le monde. Qui a parlé ?
Clothain et Chagane se retournent. Ils ont le souffle coupé.

A 10 mètres d’eux, se tient une femme à la peau mate, si intégralement nue que George Michael en perd la voix. Des jambes fermes et effilées, qui aboutissent à une toison noire en triangle, prélude à un nombril goguenard, surmonté d’une cage thoracique tramée de cotes, et alourdie de seins lourds et ronds, aux grandes aréoles sombres. Entre la symétrie des clavicules, le cou s’élance... mais il n’aboutit jamais à la douceur d’un visage parfait ; au lieu de cela, il se perd dans les ténèbres d’un masque noir terrifiant, grimaçant, simiesque, la bouche ensanglantée de crocs, les cheveux rouges battant au vent comme des oriflammes.

(Fond sonore : Cindy Lauper : Girls just want to have fun)

« Chatte-chatte-cha... » fait Chagane par réflexe. Clothain tremblant coupe son ami, il chuchote : « Pas m-maintenant, tu v-veux ? ».
La voix retentit à nouveau dans la tête des deux hommes comme un froissement de feuilles mortes :
Enfin. Je te retrouve enfin, Clothain.  
L’interpellé balbutie : « P-p-p-p-pardon ? »
Bali 2003. T’en souviens-tu, dis ? T’en souviens-tu ?
Clothain hausse les épaules en signe d’impuissance.
Apprends que je suis grande prêtresse du culte de Baubo... La mère de Nyoman. Celle qui m’a été enlevée, confisquée par la grosse maquerelle, et que tu as longuement déflorée en échange de ton argent souillé. Elle a rendue son dernier souffle le mois dernier. Le ventre gonflé de toutes les saillies minables de centaines de clients qui sont venus après toi. Ils sont tous morts. Je les ai tous tués. Avalés. Il ne reste plus que toi. Le défloreur. Fais maintenant face... à la Sorcière-singe de Bali !
Et elle brandit vers le duo apeuré un index tendu comme une cravache.

Clothain et Chagane sont tétanisés, subjugués. L’inconnue dégage une sensualité brutale, violente, mais qui se situe à un autre niveau que sexuel : elle a une sensualité sacrée. Les deux comprennent d’un seul coup à quel point ils se sont fourvoyés en crachant obsessionnellement leur mépris sur cette partie du corps féminin par laquelle ils sont pourtant issus. Qu’il ne faut pas la prendre de force, mais s’en approcher avec respect et tenter d’en comprendre, ô bien imparfaitement, les désirs, les exigences. Qu’il faut se faire subtil, et laisser tomber les rodomontades de rhinocéros. Qu’ils ont passé leur vie à craindre le pouvoir créateur et destructeur de cette lézarde de chair, en la trivialisant, la rabaissant, la méconnaissant.  

La Sorcière-singe d’un geste vif a arraché le pantalon de Chagane. Le petit sexe du gros pend entre ses jambes comme une luette entre les amygdales. Il glapit : « Hey mais j’ai strictement rien à faire avec cette histoire, moi ! » Dans sa tête, la voix de la Sorcière répond : Je sais. Mais de toutes façons tu m’agaces.

La démone saisit le zizi avec son poing. Elle tire : le truc s’allonge. Puis, par moulinets horizontaux du bras, elle fait tourner le pénis qui s’étire comme un tuyau d’arrosage. Elle va trop vite ; déjà Chagane, le propriétaire du zigouigoui devenu lasso, est poussé vers l’extérieur par la force centrifuge. Ses pieds décollent du sol, il se met à faire l’hélicoptère. 

Il tourne, tourne, uniquement retenu par la laisse de sa nouille élastique fermement empoignée par la prêtresse. Puis d’un seul coup, snap ! Le sguègue se déchire juste au-dessus des testicules. Sous la force du choc, Chagane, amputé, se retrouve propulsé énergiquement vers l’azur. Il laisse échapper un long hurlement : « CLOTHAIIINNNNN »... et disparaît rapidement dans les nuées, après être devenu tête d’épingle microscopique.

Dans 2537 ans il atterrira sur Alpha du Centaure. A nous deux maintenant, dit la voix.

La Prêtresse balinaise s’approche de Clothain. Dans la main de la sorcière, le zob arraché, revenu à sa taille naturelle, a l’air d’être soulagé de se trouver dans une si auguste paume, loin de la lourdeur maladive de son ancien propriétaire.

La Femme écarte les jambes. Clothain doit plisser les yeux pour ne pas devenir aveugle devant un tel éclat. Insensiblement, la fente se rapproche. L’homme sent qu’il rapetisse de plus en plus. De peur, il s’urine dessus, son sphincter pousse un bêlement mouillé. Son pénis a retrouve la taille de ses huit ans. Clothain, devenu minuscule, se sent défaillir de terreur : il va être englouti par la vulve de Baubo. Sa puissance inestimable, sa souplesse, son onctuosité. Sa douceur pour ceux qui la respectent. Sa fureur pour ceux qui la bafouent.

NON ! Les grandes lèvres frémissant de colère, en contact avec sa peau, brûlent atrocement Clothain. Les secrétions se sont faites acides. Le misérable regarde son bras, qu’il a mis devant pour se protéger. On voit l’os à nu, fumant. Il hurle de douleur. Il est en train de se faire aspirer de la tête aux pieds, il traverse l’étroit passage. Émanant des parois de la caverne, mille malédictions lui frappent les tympans de leur sarabande stridente. CLOOOTHHHAINNNNN...
Clothain cesse de lutter. Il saisit le sort épouvantable qui l’attend dans ce vagin vengeur. Il comprend que tous les anciens clients de Nyoman se sont fait avaler, digérer comme lui-même est en train de l’être, et que dans l'obscurité vaginale leurs corps mutilés se font éternellement torturer par les jets ultra-corrosifs de cyprine démoniaque de la Grande Sorcière-Singe de Bali. Il ferme les yeux alors que la douleur devient TOTALITE.
Puis, dans un silence de tombeau, les grandes lèvres se referment sur lui en une muraille de glu inexpugnable.

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