samedi 27 avril 2013

Le Grand Processus Invariable [Mac Ready]


1
La vieille femme regardait son fils. Ses yeux bleus, un peu délavés avec l’âge, avaient conservé cette capacité à lui filer des frissons, même après tout ce temps. Un regard qui le transperçait. Un regard qui l’avait toujours transpercé. Même aujourd’hui, alors que la vieille était reliée à un nombre conséquent d’appareillages médicaux, elle gardait intacte sa capacité à imposer son autorité.
Elle releva d’une main à peine tremblante le petit masque de l’appareil respiratoire et murmura :
-         « Ils vont te bouffer tout cru, mon fils.  Ils vont te bouffer tout cru… »
Damien avait entendu cette litanie toute sa vie. Le Grand Processus Invariable, pensa-t-il. Un processus visant essentiellement à le couper de tout, et à le ramener dans le giron maternel. Eux contre le monde, et rien d’autre. Ils vont te bouffer tout cru, mon fils. Comme dans un conte de fées, où le monde ne serait qu’une vaste forêt uniquement peuplée de loups affamés, aux longues dents acérées. Ils vont te bouffer tout cru.
-           « Je sais, maman. Tu avais raison. Tu as toujours eu raison. Mais pas cette fois, répondit-il. Ils ne me boufferont pas, maman. Pas encore. Pas cette fois. »

2
Damien dominait la scène assis sur son trône, posé au fond de la pièce. Une pièce vide de mobiliers et où seuls quelques tapis et autres futons la composaient. Il sirotait un verre. Il contemplait l’amas de corps gigotant. Il se délectait de la musique des extases, des petits gémissements timides, et des débordements grossiers aussi. Il était entièrement nu. Tout comme ses invités. Une trentaine, avait-il compté. C’était un bon chiffre. Il avait commencé à organiser des orgies dés les premières années de son succès.  Tout d’abord de manière totalement improvisée – partouzes entre le groupe et les plus belles et coquines de ses fans, dans les loges, après concert – puis de manière beaucoup plus ritualisée. Mélanger de la chair est un art, s’amusait-il à dire. Et cette soirée allait être son chef-d’œuvre.  
Une femme – une petit trentaine, belle à se damner, sans doute droguée jusqu’aux yeux – s’avançait jusqu’à lui à quatre pattes, posant sur lui des yeux de panthère. D’un œil distrait, Damien l’observait. Arrivée à sa hauteur, elle s’empara de son sexe et se mit à le sucer un peu. Damien lui releva le visage, se pencha pour mieux l’embrasser, et la repoussa avec un petit sourire. Visiblement déçue, la femme fit marche arrière et, toujours à quatre pattes, repartit vers les festivités. Une trentaine de seconde plus tard, elle suçait quelqu’un d’autre (un de ses producteurs, reconnu Damien), tout en se faisant prendre en levrette  par un petit gros. (une de ces célébrités du net, qui postait des vidéos de lui critiquant, avec un humour à la con, les disques du mois). Intérieurement, Damien s’esclaffait. Comme voilà une scène pleine de vérité, pensa-t-il. La femme était une journaliste papier reconnue. A croire que sucer un producteur tout en se faisant baiser par un blogueur était finalement inévitable, pour elle. En tout cas, elle semblait apprécier. C’était déjà ça.
Les soirées de Damien avait acquis au fil du temps une certaine notoriété, et cela même avant l’Affaire, à la fois dans le milieu de la musique (il n’était pas rare qu’une des techno-lolitas à la mode y fassent des apparitions)  que dans le milieu plus général de la nuit. D’habitude les règles d’admission étaient strictes. Mais ce soir était une exception. Il avait décidé d’inviter plus de monde : producteurs, journalistes et blogueurs, donc, mais aussi deux ou trois animateurs télé et radio, quelques minettes présidant le Club Officiel de ses fans, ce genre de trucs. Toutes ces personnes - et même si certaines ne s’étaient pas privé de lui cracher à la gueule dans leurs chroniques (ils vont te bouffer tout cru, mon fils…) – toutes désiraient secrètement participer à ses soirées. Il avait décidé de pas les décevoir cette fois.  Ce soir serait son chef-d’œuvre. Il avait tout planifié depuis des mois.
Sans s’en rendre compte, Damien caressa le petit bouton rouge de la télécommande qui reposait sur son accoudoir ; et, devant le spectacle de la chair s’excitant avidement, dans une association d’idée qui n’aurait pas manqué de faire sourciller son psy, Damien repensa à sa mère.


3

Elle était morte quelques jours après sa dernière entrevue avec elle. Ses yeux l’avaient transpercé avec toujours autant de force, et maintenant ses yeux étaient vide de toute vie. Ce qu’avait ressenti Damien à l’annonce avait été bizarre. Un mélange étrange de peine et de soulagement. La vieille était dure, et son éducation l’avait été tout autant. Les punitions et les humiliations avaient été son quotidien lorsqu’il était enfant.  Mais le pire était sans aucun doute Le Grand Processus Invariable. Cette façon insidieuse de lui dire « personne ne te fera de cadeau petit, sauf ta maman… ». La possessivité avide d’une femme ayant élevée son fils unique toute seule,  régnant sur lui par la peur. La peur d’elle, dans un premier temps, et la peur du monde extérieur, dans un deuxième.
Damien n’avait pensé qu’à de très rares occasions à la possibilité que sa mère fût complètement folle à lier. Névrotique, oui, forcément. (en même temps qui ne l’est pas ?). Mais psychotique,  non, pas vraiment. Sauf une fois : lorsque, après avoir été remarqué dans un concert de seconde zone, il était passé chez elle tenant toujours à la main la carte de visite d’un producteur - qui visiblement avait été séduit par sa musique - et la tête pleine des promesses qu’il lui avait fait. Sa mère n’avait jamais aimé le penchant musical de Damien. Pas plus que son groupe, que les concerts qu’ils faisaient ensemble, et encore moins le style rock de la musique qu’ils jouaient. Tout cela éloignait bien trop son fils d’elle. Mais lorsqu’elle se rendit compte que Damien allait pouvoir  en vivre, elle explosa. Elle s’était précipitée sur lui, le plaquant contre le mur, hurlant, ses yeux bleus perçants écarquillés en une expression d’horreur et de rage. Et une fois de plus, Le Grand Processus Invariable avait pointé le bout de son nez. A la différence que cette fois-ci il n‘était pas dicté d’un ton froid et professoral, mais avait tout d’une variation hystérique terrible.
-         « Ils vont te bouffer tout cru mon fils ! Ils vont te bouffer tout cru ! Tout le monde !
Que tu réussisses, ou que tu échoues ! Producteurs, fans, critiques ! Tout le monde ! C’est ça que tu veux ? C’est bien ça ? Te laisser happer par cette machine ? Ils vont te presser, te concasser, te hacher menu et te bouffer tout cru ! Et qu’est-ce que je vais pouvoir y faire, moi ? Qu’est-ce que je vais pouvoir y faire, à part les regarder te bouffer tout cru ! »
      Damien l’avait repoussé. Il l’entendait encore hurler alors qu’il rentrait dans sa voiture. Il ne l’avait plus revu pendant plusieurs années, suite à ça. Alors que ses albums commençaient à fonctionner, alors que l’argent rentrait de plus en plus vite et de manière de plus en plus volumineuse, alors que les papiers de la presse se montraient de plus en plus élogieux, il lui arrivait de penser à elle. Toujours d’une manière pleine de défi. La vieille folle, pensait-il, ils me bouffent dans la main, oui ! Sa carrière musicale s’installa durablement, et quelques années plus tard il était au top. La formation d’origine du groupe avait périclité bien entendu, et les musicos de remplacement s’étaient enchaînés.  Mais peu importait : c’était lui la star. Lui, le compositeur-chanteur-guitariste génial (dixit la nana journaliste, suceuse de prods, baiseuse de blogueurs). Lui, la locomotive tirant le rock vers l’avenir. (dixit l’un des animateurs télé, qui s’astiquait mollement la nouille en matant avidement le cul musclé d’un des animateurs radio). Lui, la méga rock star millionnaire.  
Ce n’est que bien plus tard que Damien comprit que l’on pouvait être folle, mais quand même avoir raison.  Sa chute fut aussi rapide que son ascension. Une chute tout d’abord artistique et commerciale avec l’échec incroyable  de son dernier album. Il avait décidé de faire autre chose, d’offrir une autre proposition. Visiblement, ça n’avait pas plu. Mais alors pas du tout.  Désarçonnée, la presse l’avait défoncé ; pris à rebrousse poils, ses fans n’avaient pas suivi, inquiets des sommes dépensées par rapport à celles engrangées, ces producteurs l’avaient menacé.  Puis, nourrie par ce terreau odorant plus que propice, l’Affaire avait germé et fleuri. 
On y révélait les soirées spéciales qu’organisait Damien, et les autres aspects dissolus de son train de vie. Tout le monde s’y engouffrait : télés, radios, internet, presse écrite. Le pays n’était pas dupe. Tout le monde connaissait bien le style particulier et très rock’n’roll que pouvaient vivre certaines de ces stars. Pas de quoi relever un sourcil, même celui d’un psy. Par contre, rajoutez à l’équation quelques témoignages anonymes (évidemment) racontant  la présence outrageante de quelques mineures, et là, c’était le jackpot !  Tous les éléments étaient réunis pour l’organisation du Grand Lynchage médiatique. Un Grand Lynchage qui continua même après la fin des enquêtes et l’abandon des charges pour faute de preuves et de témoignages. Les fumiers, pensa-t-il. Ils sont entrain de me bouffer tout cru. Ma mère avait raison, ils sont vraiment entrain de me bouffer tout cru.
Et aujourd’hui, ils étaient tous là, participants gaiement à une de ses sauteries qu’il y a quelques temps ils avaient toutes et tous condamnés.
Damien avait mis du temps à revenir au top. Il avait fait profil bas dans un premier temps, puis avait recommencé à composer. Pas le genre de truc expérimental qui lui avait fait goûter à l’échec, mais la bonne vieille tambouille qu’il avait toujours fait – et pouvait faire les yeux fermés – qui lui avait valu le succès. Et ça avait marché. Evidemment. La presse qui le fustigeait encore malgré l’abandon de l’enquête et des charges, insistait aujourd’hui sur son innocence et ponctuait même certains de leurs papiers en insistant sur le caractère indéniablement libre de l’artiste. Sexualité incluse. Après interviews, certaines et certains journalistes  recommençaient même à lui demander timidement s’il pensait recommencer ses soirées et, bien entendu, s’ils pouvaient y être invités. Un tel niveau d’hypocrisie aurait faire vomir n’importe qui. Mais pas Damien. Sous le ton de la connivence, un sourire affiché au coin des lèvres, il répétait inlassablement : bientôt.
Son Plan n’était pas encore vraiment entré en phase d’exécution, mais il y pensait déjà. Il y pensait déjà, continuellement. Dans son esprit, le Plan prenait invariablement les traits de sa mère et ondulait sous les intonations du Grand Processus Invariable. Car la vieille avait eu raison. Je suis rentré dans la machine, pensait-il, je suis rentré dans la machine, et ils m’ont pressé, concassé, haché menu et m’ont bouffé tout cru. Il avait eu envie de reprendre contact avec sa mère, et il ferait. Il savait qu’elle était à l’hôpital, et il savait qu’elle n’en avait plus pour longtemps. Il devait lui dire qu’elle avait eu raison. Mais avant il avait des achats à faire - de gros achats – et beaucoup de choses à planifier.

4

Damien sortit de sa rêverie alors que la journaliste-suceuse-de-prods-baiseuse-de-blogueurs était revenue à la charge : elle lui léchait les pieds. Il se leva de son trône, la prit par la main, la releva également et l’embrassa une nouvelle fois, un peu plus fougueusement.
-           « Pas maintenant ma belle, lui dit-il. Je dois d’abord dire quelques choses à cette superbe assemblée…
Il termina son verre d’un trait, ramassa la télécommande au bouton rouge proéminent, attira sur lui tant bien que mal une attention jusque là toute occupée à la jouissance, et lorsqu’il l’obtînt, commença son discours.
« Tout d’abord, je dois vous remercier de votre présence en cette soirée inaugurale. D’ailleurs, à ce propos, vous n’avez pas eu de mal à trouver l’adresse ?
Une vague de rires retentit.
« Tant mieux. Comme vous le savez sans doute déjà, ma mère est décédée depuis peu. La vieille folle avait été charcutière/bouchère toute sa vie. C’est pourquoi j’ai décidé d’investir dans ce bâtiment. Le mélange de la chair est un art, selon moi, et il temps que j’admette que la musique ne fut rien d’autre qu’une parenthèse dans ma vie.
Damien attendit quelques secondes pour ménager son effet.
« C’est pourquoi j’ai décidé de prendre ma retraite de la scène musicale.
Un grand et long murmure d’étonnement parcouru l’assemblé. Damien vit la mâchoire inférieure de son producteur retomber presque sur sa poitrine. Les journalistes pros ou amateurs se lançaient des regards confus. Une fan hurla même un « non ! » particulièrement sonore.
« Hé si. Voyez vous, la barbaque, et ce fameux mélange de chairs que j’appelle de mes vœux depuis toujours, voilà un art digne de mon intérêt !
L’assistance explosa de rire. Radical. Ce n’était qu’une blague, évidemment. Qu’une rock star se fasse du blé en vendant des barbecues, du pinard ou des trucs du genre, no problemo. Mais que cette même rock star abandonne tout pour ne se consacrer uniquement qu’à cela, de son plein gré en plus, non ça ne pouvait être qu’une blague.
Damien riait également. D’un rire un peu trop aigu et un peu trop hystérique à son goût, mais ça lui faisait un bien fou. Depuis combien de temps n’avait-il pas ri ? Il n’aurait su le dire. Entre deux hoquets, il réussit pourtant à continuer.
« Non, non. Je vous assure que ce n’est pas des conneries. Et je dois vous remercier pour apporter ainsi la touche finale à ma première production. Mon chef-d’œuvre ! Mon authentique chef-d’œuvre !
Toujours en riant comme un dément, Damien appuya sur le bouton rouge de la télécommande.

5

Il y eut tout d’abord une vibration venant du sol. Puis un son. La machinerie s’activait. Damien repensa à l’achat de ce vieux bâtiment industriel en périphérie de la ville, aux innombrables travaux et aménagements qu’il y avait initié, aux appareillages coûteux tous automatisés qu’il avait fait venir d’un peu partout ; le tout répondant au Plan qu’il avait mitonné.
Le plancher de la pièce qu’il avait aménagé en salle de réception pour cette soirée orgiaque s’ouvrit brusquement, et les invités tombèrent tous dans un grand cri de surprise et d’effroi. Les premiers corps à tomber dans le grand entonnoir moururent pratiquement sur le coup, empalés sur les lames du hachoir. Les suivants purent bénéficier d’un tapis de chair humaine pour s’éviter l’empalement, mais se retrouvèrent vite écraser par la chute des autres. Quant aux derniers, ils essayèrent tant bien que mal de s’appuyer sur les autres pour s’extirper de ce piège, aggravant les dégâts parmi la deuxième couche de corps gigotant, entremêlé les uns dans les autres. Il y eut des nuques brisées, des yeux crevés, des étouffements.
Au-dessus d’eux, de nouveau assis sur le trône qui était solidement attaché à un renfoncement,  Damien observait la scène, toujours hilare. Il pouvait distinguer le visage du petit gros déformé par le pied de la journaliste-suceuse-de-prods-baiseuse-de-blogueurs qui lui cassait la mâchoire, alors qu’elle essayait de prendre appui sur lui. Il pouvait reconnaître l’animateur télé, entrain de convulser, le cul musclé de l’animateur radio recouvrant totalement son visage, l’étouffant. Les autres se perdaient dans le nombre. De là où il était situé, on aurait dit un immense puzzle humain en trois dimensions, des bras, des jambes, des têtes s’agitant de toute part, engoncés, prisonniers les uns des autres dans un amas grotesque.
Oui, le mélange de la chair est bien un art, pensa une nouvelle fois Damien. Et il appuya une nouvelle fois sur le bouton rouge.
6

Les lames du grand hachoir se mirent en route, déchiquetant la viande avec une terrible facilité. La deuxième couche de personnes – en tout cas ceux qui n’avaient pas péri sous le poids et les tentatives des autres à se hisser hors de l’entonnoir – auraient très bien pu mourir noyés dans les hectolitres de sang, de boyaux et autres fluides corporelles qui remontaient inexorablement, s’il avaient eu de la chance. Seulement, ils n’en avaient pas. Les lames étaient bien trop aiguisées. Ils moururent donc déchiquetés, broyés, laminés, le visage pour la plupart enfoui sous les décombres innommables des précédents qui ne tardèrent pas à décroître. Le hachoir automatique était relié à une grand pompe qui aspirait, récoltait et conservait le sang pour d’autres utilités. Dans cet abattoir cauchemardesque, les derniers tombés, se croyant chanceux de leur position, pouvaient voir et ressentir le magma bouillonnant et la vibration de plus en plus proche des lames se rapprocher, entendre les hurlements étouffés, ainsi que le bruit de milliers d’os se faisant concasser et découper. Ils constatèrent alors qu’ils avaient tort de se croire chanceux, et disparurent de la vision de Damien, descendant lentement vers leurs fins, comme s’ils étaient dans un ascenseur infernal. Un ascenseur composé de débris humains.  Leurs hurlements furent les plus retentissants alors qu’ils se faisaient mettre en pièces, nota Damien. Il fut ravi de reconnaître parmi eux la voix de la journaliste-suceuse-de-prods-baiseuse-de-blogueurs. Vraiment ravi.

7

      Il ne fallut pas longtemps à la police pour recouper les informations et entreprendre une descente dans l’usine à viande rachetée par Damien.
Lorsqu’ils pénétrèrent au sous-sol, ils furent d’abord assaillis par un arôme de viande pourrissante absolument épouvantable, qu’une légère odeur de barbecue comblait à peine.
C’était Damien qui s’en foutait plein la panse.
Il était toujours nu, et maintenant sale comme pas permis.
Lorsqu’il vit les forces de l’ordre, il se leva et avec l’œil écarquillé par la folie,  de sa voix aiguë bien trop hystérique, il leur dit :
-           « Venez ! Entrez ! Je vous en prie ! Il y en a pour tout le monde ! Des steaks hachés, des saucisses, tout ! Tout est cuit à point ! Un chef-d’œuvre ! Un authentique chef-d’œuvre ! Mais le mélange est si parfait, la viande tellement de première qualité, que vous pourriez tout bouffer tout cru ! »
Son rire de dément – ou était-ce un cri ? – se répercuta contre les murs de l’usine, son usine, qu’il avait rebaptisée pour l’occasion Usine à Viande Maman.   

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